Alors que le roi du Maroc Mohammed VI prend de plus en plus de recul, l’opinion publique marocaine s’intéresse désormais à son successeur. Qui est Hassan III, le prince héritier du royaume chérifien ?
Si l’on en croit les sujets de Sa majesté le Roi Mohammed VI, souverain du Maroc, son fils ainé Hassan « est le portrait craché de son homonyme », son grand-père. Difficile à dire, car peu de personnes se rappellent de la jeunesse de Hassan II.
Mais après tout, il se disait la même chose de l’actuel souverain du Maroc Mohammed VI. Avant de devenir le roi rond, barbu et souriant que les Marocains vénèrent quasiment, il était le portrait craché de son propre père, du moins physiquement.
Cela fait plus de neuf mois que le prince héritier, Hassan III, peut légalement prétendre à la couronne. Coiffé d’une coupe d’équipage — un dégradé très à la mode —, le regard perçant, et esquissant un sourire froid, le prince héritier sera le prochain roi de la dynastie alaouite. Aujourd’hui âgé de 18 ans, il est « réfléchi et sévère », selon les dires des populations marocaines.
Au nom du père, du grand-père et du Maroc
Raison pour laquelle el-Hassan ben Mohammed fait de l’ombre à son père Mohammed VI sur la scène nationale. Mais ce n’est pas la seule raison : avec les absences répétées du roi du Maroc, il y a comme un air de nostalgie qui s’est emparé du Maroc. Une nostalgie du défunt patriarche Hassan II, décédé en 1999.
Les plus anciens se rappellent encore le Commandeur des croyants, sa répression des manifestations du Rif, les centaines de morts. Dans le même temps, l’élite politique marocaine francophile salue encore la libération, par Hassan II de Tarfaya et de Sidi Ifni du contrôle espagnol. Bien que roi autoritaire, Hassan II inspirait la loyauté d’une majorité de ses sujets.
Mohammed VI, en contrepartie, est le symbole d’une politique plus moderniste. Arrivé au pouvoir en 1999, le roi du Maroc a hérité d’une armée loyale à la famille royale et d’une administration – le Makhzen – surpuissante, mais également d’une opposition mécontente et de disparités régionales profondes.
Les nombreuses réformes du monarque marocain, dont celles du Code de la famille en 2004, du Plan de décentralisation de 2006 et du référendum constitutionnel en 2011 ont évité à Mohammed VI la grogne sociale. Les opposants, le Darak Malaki — la gendarmerie royale — s’en occupaient. Il y a donc, chez « M6 », de l’autoritarisme, mais le roi est plus discret que Hassan II. Question d’époque, sans doute.
Hassan III, un prince qui sort de l’ombre
C’est donc en homonyme du roi exubérant et élégant, Hassan II, qui disait qu’« un homme sage est celui qui vient chercher des conseils d’abord, des armes on en trouve partout », et en héritier de celui qui déclara qu’« il faut écrire en respectant les faits même quand ils sont moins excitants que le fantasme des critiques », que le prince Hassan du Maroc a grandi, toujours aux côtés de son père dans les évènements publics.
Dans la mesure où Mohammed VI, qui se montre toujours en famille, reste relativement peu visible sur la scène publique, les apparitions de Hassan III se comptaient également sur les doigts d’une main.
Cela n’a pas beaucoup duré car, à mesure que Mohammed VI multipliait les absences, surtout entre 2015 et 2020 à cause d’une succession de maladies, le jeune prince représentait son père dans les évènements nationaux et internationaux.
Il l’avait même remplacé, lors des funérailles de l’ex-président français Jacques Chirac en 2019. Qu’il s’agisse d’évènements sportifs, de foires agricoles ou d’inaugurations, Hassan III est devenu le visage de la monarchie. « Celui qui refuse qu’on lui embrasse la main », célèbrent les médias marocains.
Le jeune prince héritier Hassan est présenté comme un jeune homme éduqué et élégant, mais également comme caractériel et ferme. Une réputation qu’il doit à certaines anecdotes qui filtrent souvent du sérail.
Un simple adolescent ?
« Déjà à 9 ans, Moulay Hassan exerçait son pouvoir sans sourciller », nous raconte un ancien majordome de la famille royale. « Lors d’une première visite de sa villa annexée au palais, construite en 2012, il a trouvé qu’un mur séparait la cour principale des écuries. Il a refusé de visiter le château tant que le mur n’était pas détruit », poursuit le témoin. Le jeune prince, pourtant encore enfant, estimait que ce mur lui obstruait la vue sur l’horizon.
Mais au-delà de cette anecdote, et de bien d’autres, vraies ou fausses, c’est simplement le comportement réservé et la posture stoïque du prince héritier du Maroc, ainsi que son exécution parfaite du protocole et du cérémonial depuis son plus jeune âge, qui lui octroient sa réputation de « réfléchi et sévère ».
Car, d’un autre côté, on sait que le prince Hassan du Maroc est également friand de rap. On l’a vu au festival Mawazine en 2018, au premier rang du concert du rappeur French Montana. Ou encore lors d’une séquence au Palais de Rabat, où il fait furtivement un signe « peace and love » en fixant la caméra en passant devant le trône. Un peu de légèreté qui rappelle beaucoup plus Mohammed VI que Hassan II.
L’ombre de Lalla Salma
Aujourd’hui, cela fait plus d’un an et demi que le prince Hassan du Maroc a eu son baccalauréat en filière économique et sociale. Il poursuit officiellement ses études en sciences humaines et sociales à Ben Guerir, à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).
Cependant, les rumeurs circulent quant au désir du prince héritier du royaume chérifien de quitter Ben Guerir, où son père l’a doté d’une villa. Il aurait préféré, selon la presse, rentrer à Rabat, pour habiter cette fois avec sa mère, Lalla Salma.
Un choix qui, s’il s’avère vrai, aurait des répercussions graves dans le sérail. Au Maroc, la presse n’ose jamais s’aventurer sur le terrain de la famille royale. De plus, en octobre dernier, le prince Hassan est apparu aux côtés de Mohammed VI lors de l’installation du nouveau gouvernement d’Aziz Akhannouch.
Mais alors que le divorce, en mars 2018, de Mohammed VI et de Salma Bennani a fait jaser au Maroc, le contrôle de la famille royale sur les médias nationaux est si total que la nouvelle n’a pas provoqué une quelconque confirmation ou infirmation.
Jamais un souverain alaouite n’a divorcé, et la Première Dame est bien trop populaire. De plus, le déclin de santé de Mohammed VI, en plus de son penchant de plus en plus poussé à « profiter de la vie », mettent de plus en plus de lumière sur le prince héritier.
Si ce dernier s’avère trop proche de sa mère, le Makhzen craint, non sans raison, que l’influente « Lady Di marocaine » ne devienne, dans le futur, la régente de Rabat.