Lors du sommet de l’Union africaine, le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité a demandé l’application de la Convention sur l’élimination du mercenariat en Afrique. Principale entité visée : Wagner.
Lors du 35e sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est terminé dimanche, il a fortement été questions des mercenaires étrangers. Fustigeant les dernier coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, le nouveau président de l’UA, Macky Sall, ne s’est pas étalé sur le sujet.
Mais le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’UA, Bankole Adeoye, s’est lui emparé de cette question. Après que l’UA a déploré « l’émergence de ce phénomène nouveau » qu’est le mercenariat. Le Nigérien a affirmé sa volonté d’« exclure complètement les mercenaires de notre continent ».
Pour ce faire, le diplomate demande que les pays membres de l’UA revoient la Convention sur l’élimination du mercenariat en Afrique, adoptée en 1977 à Libreville. « C’est le moment de dépoussiérer ce texte, de l’utiliser de façon concrète », indique-t-il.
L’UA veut faire appel à l’ONU et à l’Europe
La Convention de l’OUA définissait, à l’époque, un mercenaire comme une personne « spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un conflit armé ; qui en fait prend une part directe aux hostilités ; qui prend part aux hostilités en vue d’obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle ; qui n’est ni ressortissant d’une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit ; qui n’est pas membre des forces armées d’une Partie au conflit ; et qui n’a pas été envoyée par un État autre qu’une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État ».
Pour éradiquer le mercenariat, Bankole Adeoye fait appel au Conseil de sécurité de l’ONU et à l’Union européenne. « De la région mozambicaine de Cabo Delgado à la Libye, nous faisons face à l’émergence d’un nouveau phénomène, la présence de contractants militaires privés venus de l’étranger et de mercenaires », a poursuivi le Nigérian qui vise particulièrement le groupe paramilitaire russe Wagner.
En demandant à l’UE et à l’ONU d’intervenir, Bankole Adeoye sait que tout sera mis en œuvre pour mettre fin aux activités de Wagner sur le continent. C’est également, pour l’Occident, une façon de priver Bamako de l’éventuelle aide russe. Selon les Etats-Unis, Bamako verserait 10 millions de dollars par mois à Wagner et plusieurs dizaines de mercenaires seraient déjà déployés au Mali.
En mai prochain, à Malabo, en Guinée équatoriale, l’Union africaine se réunira pour un nouveau sommet extraordinaire. Il sera cette fois question de lutte contre le terrorisme. Le Nigérian espère, alors, entamer une réflexion sur la fin du mercenariat en Afrique. « Nous nous attendons à un leadership fort des pays membres pour renforcer notre réponse commune à ces menaces existentielles », estime-t-il.
#Eritrea’s delegation today met & held talks with AU Commissioner for Political Affairs, Peace & Security, Ambassador Bankole Adeoye. Discussions centered on promoting peace & security in HoA region & the African continent at large. pic.twitter.com/JRdlbxuIwY
— Yemane G. Meskel (@hawelti) February 4, 2022
Le mercenariat en Afrique est-il un monopole ? Pas vraiment
Cependant, si pour Bankole Adeoye, le groupe paramilitaire russe serait l’unique acteur impliqué dans des activités de mercenariat en Afrique, ce n’est pas réellement le cas.
Actuellement, au Nigéria, au Mozambique et le long de la mer rouge, des mercenaires venus du Tchad, du Kurdistan, d’Afrique du Sud et des Etats-Unis sont déployés depuis des années. Leur mandat, lui, parvient des Etats eux-mêmes ou de la part… des puissances occidentales.
Par exemple, l’opération de l’Union européenne en Corne de l’Afrique, Atalanta, a engagé des milliers de mercenaires sud-africains et américains. Ces derniers représentent le gros des forces européennes en Mer Rouge. Plus au sud, dans le Golfe d’Aden, l’opération Ocean Shield de l’OTAN, toujours en cours, fait appel à des mercenaires tchadiens, soudanais et ukrainiens.
Au Mozambique, à Cabo Delgado, l’intervention des paramilitaires sud-africains de Dyck Advisory Group (DAG), qui a choisi d’évacuer uniquement les civils de couleur blanche lors de l’offensive terroriste sur la baie de Palma, a également fait un scandale. Un rapport d’Amnesty International avait mis la lumière sur cette affaire embarrassante à la fois pour Maputo et pour le DAG.
Lire : Mozambique : les blancs, et même les chiens, évacués avant les noirs
Il faudrait également rappeler l’implication du groupe paramilitaire américain Blackwater dans le conflit de Darfour en 2008, et jusqu’à la dénonciation des crimes de guerre commis par les mercenaires du groupe.
Enfin, et selon des données de la CPI, les mercenaires les plus recherchés pour des crimes de guerre commis en Afrique seraient, presque exclusivement, des ressortissants européens.