En RDC, le tribunal militaire a condamné 51 personnes pour les meurtres, en 2017, de deux experts de l’ONU enquêtant sur les violences dans le Kasaï. Parmi les condamnés, 49 personnes ont écopé de la peine de mort.
C’est sous la lumière d’un téléphone portable que le général Jean Paulin Ntshayokolo a lu, hier soir, la proclamation de la sentence des 54 accusés dans les meurtres de la Suédoise Zaida Catalán et de l’Américain Michael Sharp. Les deux experts des Nations unies avaient été assassinés dans le Kasaï cinq ans plus tôt. Parmi les accusés, trois ont été blanchis, deux ont écopé de peines de prison et 49 ont été condamnés à mort. Une peine commuée en prison à perpétuité en République démocratique du Congo (RDC).
Les accusations, variant du terrorisme à l’assassinat, en passant par la participation à un mouvement insurrectionnel et par la mutilation, ont été imputées aux combattants armés pro-Kamwina Nsapu sur le banc des accusés ou en fuite. Depuis le meurtre des experts de l’ONU le 12 mars 2017, le Conseil de Sécurité crie au « guet-apens », dans lequel Catalán et Sharp seraient tombés. Le conseil parlait même, en 2018, de l’implication de hauts responsables de l’Etat congolais.
Verdict insuffisant, pour les familles
Durant le procès, les procureurs du tribunal militaire de Kananga ont fait valoir que les combattants cherchaient à se venger de l’ONU. Les rebelles Kamwina Nsapu accusent l’instance de ne pas avoir empêché les attaques de l’armée congolaise contre eux.
Pour la sœur de Zaida Catalán, Elisabeth Morseby, les témoignages dans l’affaire étaient d’une fiabilité douteuse. Les accusés auraient passé, selon elle, trop de temps ensemble en prison. La famille de la Suédoise, ainsi que son gouvernement, ont insisté après le verdict sur l’importance de poursuivre l’enquête. La ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde a tweeté : « Nous étudierons le verdict, et rappelons qu’il peut faire l’objet d’un appel ».
Durant les premières phases du procès, plusieurs hauts gradés de l’armée avaient été brièvement interrogés. Un seul a été condamné ce samedi. Le colonel Jean de Dieu Mambweni aurait été de connivence avec les miliciens, à qui il aurait fourni des munitions. Mambweni a finalement été condamné à dix ans de prison pour « désobéissance aux ordres et non-assistance à personne en danger ».
Les séquelles du « premier génocide du XXIe siècle »
La rébellion Kamwina Nsapu avait éclaté en 2016 après le prétendu viol de membres de la famille d’un chef traditionnel de l’ethnie Luba — l’ethnie de l’actuel président Félix Tshisekedi, lui-même Baluba du Kasaï. A la lumière des massacres sélectifs visant des non-Lubas, le journaliste congolais Bruno Kasonga a qualifié le conflit du Kasaï du « premier génocide du 21e siècle ».
Durant le conflit, plusieurs exactions sont imputées à l’armée congolaise. Les victimes civiles sont estimées à plus de 3 000 et de nombreux employés d’ONG font partie des victimes. La Suédoise Zaida Catalán et l’Américain Michael Sharp, déployés par le Conseil de sécurité de l’ONU pour enquêter sur les massacres de civils, ont été décapités et enterrés en mars 2017.
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La nouvelle et les accusations formulées par l’armée à l’égard des Kamwina Nsapu, ont mis un coup d’arrêt aux hostilités. L’intervention militaire lourde des FARDC a mis une fin sanglante au conflit. Depuis l’arrestation d’une vingtaine des accusés de l’assassinat des experts de l’ONU, le procès s’est prolongé. Au vu des accusations des familles des victimes et des instances internationales, le verdict de ce samedi ne marque pas, non plus, la fin du feuilleton judiciaire.
@hrw_fr Près de cinq ans après les meurtres des enquêteurs de l’ONU, Zaida Catalan et Michael Sharp en #RDC, il reste encore plus de questions que de réponses malgré le verdict d’aujourd’hui 1/3 pic.twitter.com/3CkRuMDkbt
— Thomas Fessy (@thfessy) January 29, 2022