Le président algérien a validé le lancement d’une haute autorité chargée d’enquêter sur la corruption chez les fonctionnaires de l’Etat. Un projet ambitieux mais indispensable.
« Comment avez-vous obtenu vos biens ? » Voilà en substance la question qui sera posée aux fonctionnaires algériens dans les semaines à venir. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune vient en effet de demander « la création d’une nouvelle instance pour enquêter sur l’enrichissement des fonctionnaires publics, sans exception, à travers des procédures légales rigoureuses pour la lutte contre la corruption et l’identification de l’origine de leurs biens », indique un communiqué de la présidence.
L’idée est simple : comparer les revenus des fonctionnaires avec leur patrimoine. Des enquêtes seront lancées sur les biens des fonctionnaires. Ces derniers devront alors justifier leur patrimoine si celui-ci est issu d’un héritage familial, par exemple.
Une mesure qui fait partie du dispositif législatif algérien de moralisation de la vie publique et de lutte contre la corruption, engagé par le gouvernement suite à la réforme constitutionnelle du 1er novembre 2020. Parmi les mesures prévues par le gouvernement, la création d’une Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption. Son objectif : enquêter sur l’enrichissement suspect de fonctionnaires de l’Etat.
Des milliards de dollars qui s’envolent chaque année
Si, depuis le 2 janvier, la Haute autorité est sur les rails, il reste encore à en déterminer la mission précise. Mais nul doute que, outre les simples fonctionnaires, cette instance sera en charge d’enquêter sur des cadres de l’Etat qui auraient failli. Les premiers fonctionnaires visés seront ceux menant un train de vie ne correspondant pas à leurs revenus. Certains ont en effet des bien immobiliers luxueux avec des salaires ne dépassant pas les 200 000 dinars algériens.
Si les critiques sont nombreuses sur cette mesure, certains craignant un simple effet d’annonce, la démarche est louable. Avec le Hirak, qui demande entre autres la fin des privilèges, le pouvoir envoie un signal fort : la chasse à la corruption permettra de rétablir un minimum de confiance de la part des citoyens.
Magistrats, militaires ou patrons de sociétés publiques ne dormiront plus tranquilles. Car, à en croire les responsables algériens, la lutte contre la corruption ne devrait épargner personne, en bas ou au sommet de l’Etat. Reste à savoir quels seront les moyens dont disposera la Haute autorité. Au-delà de l’aspect financier, il faudra que le travail de cette dernière ne soit pas entravé par une quelconque partie. Le fisc algérien, les banques ou encore les administrations devront ainsi collaborer.
La corruption en Algérie est aujourd’hui difficile à quantifier. D’après le quotidien Echorouk, le Trésor public avait vu lui filer entre les doigts, de décembre 2019 à septembre 2020, plus de 70 milliards de dollars. Une estimation permise grâce à ce qu’avaient appris les différents procès. La somme pourrait donc être bien plus importante en réalité.