L’ex-président gambien Yahya Jammeh doit être jugé devant une cour spécial dans un pays ouest-africain, indique un rapport de la commission Vérité, réconciliation et réparations.
Après la remise du rapport de la commission Vérité, réconciliation et réparations (TRCC) concernant les crimes commis par le régime de Yahya Jammeh en Gambie, se dirige-t-on vers la création d’un tribunal spécial et une décision de justice 100 % africaine ?
Lors de sa prise de fonctions en juin dernier, Karim Khan, nouveau procureur de la Cour pénale internationale (CPI), avait affirmé qu’il ferait en sorte que les procès de la CPI soient déplacés de La Haye vers les cadres conventionnels, à savoir les pays d’origine des dirigeants accusés de crimes. Il pourra tenir sa promesse sur le dossier Jammeh.
La TRCC estime, en effet, qu’il faut juger les 22 ans de pouvoir du dictateur Yahya Jammeh en Afrique de l’Ouest. Mais elle vient de recommander, ce vendredi, d’engager des poursuites judiciaires devant un tribunal international « dans un pays d’Afrique de l’Ouest autre que la Gambie, sous l’égide de la Communauté économique des Etats ouest-africains (Cédéao) et/ou de l’Union africaine ».
Le dictateur est accusé, entre autres, de « meurtres, détentions arbitraires, disparitions ».
On compte un seul cas de tribunal spécial africain : celui qui avait jugé l’ancien chef d’Etat Hissène Habré. Le dictateur tchadien s’était exilé au Sénégal, après avoir régné sur le Tchad dans les années 1980. Sous la pression internationale, le Sénégal avait finalement arrêté l’ex-président pour le juger. Une cour africaine l’avait condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage ou encore enlèvements.
Une cour au Sénégal ou au Ghana ?
Le Sénégal sera-t-il l’endroit idéal pour accueillir le procès contre Jammeh ? « Le Sénégal a en place l’infrastructure nécessaire qui avait jugé Hissène Habré. Le Ghana est une autre option », indique le rapport qui évoque également la Sierra Leone.
Quoi qu’il en soit, ce procès sera retentissant. Le rapport compte 17 volumes et raconte, en détails, comment le régime gambien de l’époque faisait pression sur ses populations. En tout, entre 240 et 250 personnes seraient mortes, selon la commission. Près de 400 témoins, victimes et anciens complices ont été entendus par la TRRC.
Le ministre de la justice, Dawdu Jallow, assure que son gouvernement est « engagé à appliquer les recommandations du rapport ». Il est donc prévisible qu’une cour spéciale sera proposée par la Gambie à un de ses voisins. « Après les puissants témoignages publics devant la TRRC qui ont profondément touché les Gambiens, il va y avoir beaucoup de pressions en Gambie et à l’étranger, pour que justice soit faite sans tarder pour les victimes qui ont déjà attendu cinq ans et parfois plus longtemps », assure l’avocat américain Reed Brody, qui défend plusieurs victimes de Jammeh.
Adama Barrow, le président gambien qui avait permis de chasser Jammeh, réélu le 2 décembre dernier, a estimé que la décision de juger Jammeg pour ses crimes devait être collective. « Je prends part à la décision, mais ce n’est pas entièrement ma décision », indique-t-il.