En Libye, en attendant l’annonce du report de l’élection présidentielle, le fils du « Guide de la révolution », Saïf al-Islam Kadhafi, consolide sa position.
« Un joker politique ». Au moment de devenir candidat à l’élection libyenne du 24 décembre, Saïf al-Islam Kadhafi a fait la une de la presse qui a vu en lui l’un des grands favoris du scrutin. Que ce dernier ait lieu ou non, Saïf al-Islam Kadhafi n’a pas dit son dernier mot. Et pour ce faire, il s’est entouré d’une équipe de choc : lobbyistes, anciens militaires, seigneurs de guerre locaux et chefs des conseils tribaux.
A vrai dire, sur le terrain, depuis qu’il a présenté sa candidature dans les locaux de la Haute Commission électorale libyenne (HNEC), Kadhafi n’a fait que subir les agressions de ses rivaux. Toutefois, en coulisse, le fils du Guide est en train de poser les pierres de sa carrière politique.
Si Haftar, Dbeibah ou Bachagha comptent sur les milices et les soutiens étrangers pour asseoir leur pouvoir, Kadhafi, lui, a fait de la communication et du lobbying son terrain de jeu. Objectif : ne pas se limiter à la période électorale et bâtir une machine politique capable de prendre les rênes du pouvoir à moyen terme.
Qui sont les néo-kadhafistes ?
Et l’équipe de Kadhafi est expérimentée. Parmi ses soutien de choix, sa sœur. Aïcha Kadhafi ne cesse de plaider la cause de son frère. Depuis le sultanat d’Oman, la « Claudia Schiffer » libyenne « gère le trésor familial secrètement et s’assure que l’argent va là où il doit aller », nous confie, dans un message énigmatique, un proche de la famille Kadhafi. Aïcha Kadhafi aurait aussi des contacts dans les sphères politiques et financières en Russie, en Suisse et en Egypte.
Une autre femme représente les intérêts de Saïf al-Islam Kadhafi. Cette fois en Europe. Il s’agit de la lobbyiste du Conseil russe des affaires internationales, Souha al-Bedri, qui avait autrefois soigné l’image du père.
#Libye: Candidat contrarié à l’élection présidentielle, Saïf al-Islam #Kadhafi peut compter sur d’anciens relais du clan de son père qui lui sont restés fidèles pour assurer sa communication à l’international. A Paris, c’est Souha al-Bedri qui s’en charge. https://t.co/8kXUVO6Nyk
— Africa Intelligence (@LettreContinent) December 2, 2021
Kadhafi compte également, parmi ses premiers soutiens, son avocat, qui joue aussi un rôle de lobbyiste auprès de ses contacts des services de renseignement algériens et tunisiens, Khaled Zaidi. Sans oublier les représentants de Saïf al-Islam Kadhafi à l’international : Omar Krichida et Salah Farkash — le cousin de la mère de Saïf al-Islam.
Ces « néo-kadhafistes » sont cependant très discrets, presque autant que l’héritier de la dynastie. Là où Saïf al-Islam Kadhafi est le plus visible, c’est sur les médias sociaux, en particulier Twitter et Facebook, et auprès de certains dirigeants politiques du Golfe arabe, d’Afrique et de Russie.
Et cela fonctionne. Saïf al-Islam est désormais considéré comme l’avenir de la Libye, alors que les vidéos des discours de Mouammar Kadhafi continuent d’être diffusés sur la toile. Un axe de communication, qui ne reflète pas vraiment la réalité. Car Saïf al-Islam ne plaît pas de facto à tous les kadhafistes.
Les ex-alliés de Kadhafi, toujours indécis
En effet, les anciens compagnons du « Guide de la révolution » ne se tiennent pas tous aux côtés de Saïf al-Islam Kadhafi. Ce dernier a, certes, hérité du talent oratoire de son père, de sa position à la tête de la famille, et bien sûr de sa fortune. Mais également d’une proximité avec les tribus de l’ouest libyen dont même Mouammar Kadhafi ne pouvait pas se targuer.
Plusieurs anciens kadhafistes se tiennent éloignés de Saïf al-Islam. C’est le cas de l’argentier de Mouammar Kadhafi, Béchir Salah Béchir, qui chercherait, selon Jeune Afrique, à rivaliser avec Saïf.
Là où les allégeances envers Kadhafi interrogent, c’est dans le cas de trois acteurs majeurs de la scène politique libyenne. A commencer par le chef du Conseil présidentiel libyen, Mohammed el-Menfi, et le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah. Ce dernier, proche de la sortie et ayant commis son lot d’erreurs en cherchant à être candidat à la présidentielle, est isolé. El-Menfi, quant à lui, est entouré de kadhafistes. Toutefois, il n’aurait aucune relation avec Saïf al-Islam.
Le troisième homme n’est autre que le cousin de Mouammar Kadhafi, Ahmed Kadhaf Eddam. Surnommé « l’homme des missions impossibles », il se tient aux côtés d’Ammar Mabrouk Letaief au sein du groupe du Caire. Baptisée « la salle des opérations », ce regroupement d’anciens amis de Mouammar Kadhafi ne soutient pas vraiment Saïf al-Islam.
Sans allégeances politiques claires, la « salle des opérations » est très proche du pouvoir égyptien, et se tiendrait derrière le parlement de Tobrouk et son chef Aguila Salah Issa.
Avec des fonds considérables et un réel pouvoir sur les tribus libyennes, Ahmed Kadhaf Eddam aurait dû, normalement, soutenir les ambitions politiques de son neveu. Mais il n’en est rien. Bien au contraire, Kadhaf Eddam semble vouloir jouer les équilibristes et jouer un rôle important dans la transition politique.