Le procès des commanditaires de la supposée tentative d’assassinat du président malgache a débuté lundi. Au second jour d’audience, l’un des principaux accusés, Paul Rafanoharana, a affirmé que le projet de coup d’Etat avorté ne visait pas le président mais « la mafia qui l’entoure ».
Lundi, à Madagascar, les audiences de l’affaire baptisée « Apollo 21 », sur la présumée tentative d’assassinat et de coup d’Etat visant le président Andry Rajoelina, ont débuté dans un climat tendu. La journée de mardi a été consacrée à l’audition de Paul Rafanoharana, l’un des deux Français épinglés dans l’affaire, ancien conseiller diplomatique du président qui fut un temps pressenti pour devenir Premier ministre.
Parmi les vingt-et-une personnes présentes sur le banc des accusés, Rafanoharana et un autre saint-cyrien, Philippe François, sont désignés par l’opinion publique comme les cerveaux de la bande. Une accusation que Paul Rafanoharana ne nie même pas. Ce que l’accusé dément, c’est d’avoir une relation quelconque avec ses co-accusés. Ainsi, sa défense s’est tenue à l’argument d’un « projet de budget, et non d’assassinat » qui, également, ne visait pas le président mais « la mafia qui nuit au pays » et garde Andry Rajoelina « prisonnier de luttes d’influence ». Des déclarations troublantes, qui ont attisé la curiosité de la juge.
Paul Rafanoharana et la « mafia » de l’Etat malgache
Invité à préciser ses affirmations, Paul Rafanoharana a avancé deux noms : celui de l’homme d’affaires et patron du groupe Sodiat Maminiaina « Mamy » Ravatomanga, et celui de l’ancien ministre des Affaires Etrangères, maire actuel de la capitale Antannanarivo, Naina Andriantsitohaina.
Selon les dires de l’accusé, il aurait été seul à préparer son « budget » avec pour « ambition » de « neutraliser la mafia ». L’avocat de Paul Rafanoharana, Willy Olala, assure d’ailleurs que l’acte de son client n’est pas punissable par la loi car il n’est, finalement, jamais passé à l’exécution de son plan et que le ministère public aura beaucoup de mal à prouver le contraire.
Or, la procureure générale Berthine Razafiarivony affirmait en juillet détenir des « éléments matériels », et le président Andry Rajoelina avait plus tard déclaré que les preuves étaient « irréfutables ».
Quoi qu’il en soit, l’intérêt de la présidente de la Cour a rapidement abondé dans le sens des déclarations de Paul Rafanoharana. Auquel elle a demandé hier : « Quel est l’élément qui a déclenché votre volonté de neutraliser ‘la mafia ?’ ».
L’accusé a expliqué que lors des discussions pour la préparation du prochain gouvernement, dont il était supposé devenir le chef, il a été approché par deux de ses collaborateurs — son coaccusé, le chanteur Yvon Sareraka, et l’ancien archevêque d’Antananarivo Odon Razanakolona — qui lui ont demandé de s’adresser aux deux hommes d’affaires. Selon eux, explique Paul Rafanoharana, Mamy Ravatomanga et Naina Andriantsitohaina avaient le dernier mot sur le choix des ministres, et même plus généralement sur les décisions du président Andry Rajoelina.
Des zones d’ombre
La rencontre entre Ravatomanga, Andriantsitohaina et Paul Rafanoharana s’était tenue, selon les dires de ce dernier, en juin dernier. « Le maire a rejeté en bloc les noms de ministrables que je voulais proposer au président », raconte l’accusé. Il assure qu’après ce déjeuner, il avait commencé à préparer son « budget pour débarrasser le pays de la vermine ».
Pour l’accusé, une conseillère du président qu’il ne nomme pas — probablement Shabnam Singh, la conseillère économique d’Andry Rajoelina — aurait remis les 200 000 euros trouvés chez lui après son arrestation, après qu’il lui a raconté le déroulement de la rencontre avec les deux hommes forts du régime.
Paul Rafanoharana s’est étonné que cette conseillère ne soit pas inquiétée dans cette affaire. Il affirme aussi lui avoir communiqué la liste, refusée par Naina Andriantsitohaina, de son gouvernement. Rafanoharana aurait également signalé à la même personne le vol d’une centaine d’armes d’une caserne du Capsat, les forces armées malgaches qui avaient mis Rajoelina au pouvoir en 2009.
L’audience réserve encore quelques surprises. Si Rafanoharana reste le principal accusé de cette affaire, ses révélations risquent d’avoir des répercussions politiques importantes;