Le Ministère public béninois requiert dix ans d’emprisonnement pour Joël Aïvo. Un signal inquiétant envoyé à quelques jours du procès de Reckya Madougou.
Au Bénin, la chasse aux opposants se joue désormais sur le terrain judiciaire. Ce lundi 6 décembre avait lieu le procès de Joël Aïvo et deux de co-accusés, poursuivis pour blanchiment de capitaux mais surtout pour complot contre l’autorité de l’Etat. L’audience s’est déroulée pendant toute la journée. Au terme de celle-ci, dans la matinée, la réquisition prononcée par le Ministère public n’a pas fait dans le détail : Aïvo et ses deux co-accusés risquent une peine de dix ans d’emprisonnement ferme ainsi qu’une amende de 45 millions de francs CFA (77 000 euros environ).
Le sort des opposants, Joël Aïvo et Reckya Madougou en tête, ne laissait rien présager de bon. Tous deux poursuivis par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), ils sont accusés de la plus grave des qualifications : atteinte à la sûreté de l’Etat. Un coup dur pour les opposants à Patrice Talon. Notamment pour Reckya Madougou, dont le procès est prévu le 10 décembre prochain.
Ex-Garde des Sceaux, l’opposante espérait briguer le poste de président de la République lors du dernier scrutin, pour le compte du parti Les Démocrates. Après avoir exclu l’opposition, Patrice Talon a lancé une grande vague de répression contre ses adversaires. Si certains ont été poussés à l’exil, pour d’autres, ils ont été emprisonnés et confiés à la CRIET, dont l’indépendance des juges reste difficile à prouver.
La défense du constitutionnaliste Joël Aïvo s’est dite consternée par la réquisition. « Ce n’est même plus la peine de venir encore plaider devant cette juridiction qui n’est rien d’autre qu’une fantaisie. C’est du folklore. Je suis déçu pour mon pays. C’est regrettable pour un Etat de droit », dénonce son avocat qui assure qu’il s’agit d’« une période sombre de l’histoire de notre pays ».
《 Et vous saurez que Je suis L’Eternel, Votre Dieu 》 Joël 3:17
《 Allah n’est-Il pas Le plus Sage des juges ? 》 Sourate 95:8
Je suis avec toi en ce jour, Joël, mon frère.
Reckya Madougou#FreeReckya#FreeJoel pic.twitter.com/lPW7mCDyw7
— Reckya MADOUGOU (@MadougouReckya) December 6, 2021
Une justice aux ordres de Patrice Talon
Concernant Reckya Madougou, ses avocats ont toujours estimé que le dossier était, comme pour Joël Aïvo, totalement vide. Son entourage dénonce « des procès inéquitables au Bénin » et « une justice aux ordres » de Patrice Talon. Restée digne, selon un proche du dossier, Reckya Madougou aurait refusé d’être libérée pour des questions sanitaires et ne souhaiterait pas être forcée à l’exil. L’opposante veut montrer qu’elle est une prisonnière d’opinion.
Mais l’audience du 10 décembre prochain risque d’être en sa défaveur. La défense d’Aïvo affirme que les réquisitions ne s’appuient sur aucun fait : « Ils ont recherché des preuves, ils n’en ont pas trouvées. La situation réelle, c’est que deux pauvres qui étaient en situation de misère, ont décidé d’escroquer quelqu’un. Cette personne qui est en fuite et qui peut-être a été envoyée par le pouvoir pour piéger le candidat Aïvo ». Le même scénario est attendu pour Reckya Madougou, seule femme à avoir tenté de s’opposer à Patrice Talon.
Cette détention arbitraire, dénoncée à l’international, effraie l’entourage de Reckya Madougou : des proches du dossier affirment que des députés impliqués n’ont jamais été entendus par la justice. Quant aux protagonistes de l’affaire, certains sont aux abonnés absents. La partialité de la CRIET, dénoncée notamment par l’ancien magistrat de la juridiction, Essowé Batamoussi, fait que l’on connaît aujourd’hui probablement l’issue de cette parodie de procès.