Alors que les Antilles se sont embrasées, quid de Mayotte ? L’île africaine, département français depuis 2011, est confrontée à une crise sociale de grande ampleur.
Les Antilles sont une poudrière, qui ont pris feu ces dernières semaines. Le territoire, colonisé par la France au XVIIe siècle, est plongé dans une crise sociale qui inquiète la Métropole. Le ministre français des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a coupé court hier aux discussions avec l’intersyndicale en Guadeloupe. Il demande que les syndicats condamnent « des tentatives d’assassinat contre des policiers et des gendarmes ». Les violences ont débuté après que la contestation s’est propagée sur l’archipel. C’est l’obligation vaccinale pour les soignants et les pompiers qui a allumé la mèche. Depuis, les revendications sont devenues politiques et sociales.
Santé, vie chère, transports… Les syndicats ont été rejoints par les élus locaux dans leurs revendications, qui ont petit à petit débouché sur un autre débat : celui de l’autonomie de l’archipel, et particulièrement de la Guadeloupe. Si, au ministère français de l’Intérieur, on insiste pour affirmer que la question de l’autonomie n’est « évidemment pas un débat sur l’indépendance », force est de constater que la décolonisation de l’île sera un des enjeux de ces prochaines années.
Une exception française
Plus globalement, la question des territoires d’Outre-Mer est de retour sur le devant de la scène. En mars 2011, l’Hexagone avait lancé la départementalisation de Mayotte, alors que les habitants de l’île tournaient, en se rendant dans les urnes, le dos aux Comores. Pourtant, avant 1841, Mayotte n’était pas française alors que les Antilles et la Réunion l’étaient depuis deux siècles. Lors des décolonisations, Mayotte est redevenue une exception en restant française. Un « confetti de l’histoire », selon des spécialistes.
Mayotte rêvait de devenir une « locomotive économique » de la France, résume Gérard-François Dumont. Le géographe estime que Mayotte aurait pu s’inspirer « des réussites de Maurice, de Singapour ou de Taiwan, devenir un pôle de développement remarquable dans une région qui a besoin de locomotives économiques ». Pour ce faire, l’île pouvait compter sur sa croissance démographique et son tourisme. La France espérait aussi, après les indépendances de Madagascar et des Comores, conserver son bout de terre en Afrique.
Mais dix ans après la départementalisation de Mayotte, c’est la douche froide pour les populations locales. La pauvreté et les inégalités sociales ont pris le pas sur les ambitions de l’île. Et l’explosion démographique est devenue un handicap plus qu’un atout. Quelques années après la promesse du président français Nicolas Sarkozy — il avait, en 2010, déclaré que « Mayotte, c’est la France ! Mayotte restera française ! » —, la France a rapidement remarqué qu’elle avait, elle aussi, fait une erreur en prônant sa souveraineté sur l’île.
Car Paris n’a pas mis les moyens de ses ambitions pour sortir Mayotte de la misère. En 2016, la Cour des comptes indiquait dans un rapport que l’Etat avait été « défaillant » vis-à-vis de Mayotte et avait abandonné l’île à son sort. Les Mahorais, qui ont voté en majorité pour que l’île reste française, sont-ils en train de regretter leur choix ? En 2011 déjà, 8 Mahorais sur 10 vivaient sous le seuil de pauvreté. Depuis, la situation n’a guère évolué : il y a quatre ans encore, le tiers des foyers mahorais n’avaient pas accès à l’eau courante et le taux de chômage dépassait les 35 %.
« Un département entièrement à part »
Mayotte n’est pas un « département à part entière », mais plutôt « un département entièrement à part », résumait Aimé Césaire. Même le droit à la nationalité française y est problématique. Si Sébastien Lecornu assurait il y a peu vouloir « accélérer la départementalisation (de Mayotte), afin de converger vers une égalité sociale réelle », on en est encore loin.
L’autonomisation, voire l’indépendance, pourraient bien redevenir des thèmes d’actualité de Mayotte ? En mars dernier, la première vice-présidente du conseil départemental de l’île, Fatima Souffou, indiquait sa volonté de « prendre part aux instances régionales ». Mais, précise notamment Le Monde, il semble impossible pour l’île, trop française, d’intégrer la Commission de l’océan Indien, aux côtés de l’Union des Comores, de Madagascar ou encore de Maurice. La faute à son conflit avec les Comores.
La crise sociale et politique des Antilles donnera-t-elle des idées aux Mahorais ? La situation sur l’île est en tout cas précaire. Et rien ne montre la volonté réelle de la France de faire de Mayotte un territoire à part entière. Paris, en cas de revendication véhémente de la part des Mahorais, pourrait lâcher plus facilement du lest dans ce dossier.