Début novembre, le Nigéria a envoyé 1 500 soldats à bord de 13 navires de guerre dans le Golfe de Guinée pour lutter contre la piraterie. Sous le patronage de l’armée française, les chefs d’états-majors des 16 pays de la région se sont retrouvés à Pointe-Noire, au Congo, pour discuter du sujet.
La lutte contre la piraterie est-elle un véritable enjeu pour les pays africains concernés ? Avec 95 % des attaques en mer dans le monde qui surviennent dans le Golfe de Guinée — 200 attaques de navires — et 800 millions de dollars de pertes annuelles, c’est à se demander qui assure la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée.
Dans le passé, le Golfe d’Aden et le sud de la Mer rouge étaient les terrains de prédilection des pirates de mer en Afrique. Depuis 2013, le phénomène s’est amplifié, cette fois sur l’autre rive du continent africain. Et les marines nationales de la région, qui s’étend du Libéria à l’ouest à l’Angola au sud, semblent dépourvues face à un phénomène qui a pris de l’ampleur.
Les réserves pétrolières des entreprises étrangères et le transport maritime asiatique sont les premières victimes de la piraterie dans le Golfe de Guinée. Et les opérateurs étrangers sont pris entre le marteau et l’enclume : d’un côté, les Etats concernés se concentrent sur le différend qui les oppose concernant les frontières maritimes héritées de la colonisation ; d’un autre côté, les forces militaires occidentales présentes sur les lieux sont incapables de prévenir la criminalité en raison du droit international qui empêche l’intervention dans les eaux souveraines des Etats.
Mais le Nigéria semble vouloir passer à l’action. Le pays a déployé 1 500 soldats sur place, treize navires et deux hélicoptères de combat supplémentaires. Et les seize Etats du Golfe de Guinée réfléchissent à établir un cadre commun pour lutter plus efficacement contre la piraterie dans la région.
Les pays africains dépourvus de moyens financiers
Mais que peuvent faire ces Etats pour s’accorder entre eux ? Invitée à titre de courtoisie, l’armée française a réussi à prendre les rênes de la réunion sur la lutte contre le piratage. Mais la présence du général français François Xavier Mabin irrite les participants, qui préfèreraient trouver une solution africaine à un problème… africain. « Les marines du Golfe de Guinée sont confrontées à des menaces communes : la prédation des ressources naturelles, notamment les stocks de poissons, la piraterie et bien sûr le phénomène de l’immigration clandestine », a indiqué le général français lors de la réunion tenue à Pointe-Noire, la capitale économique du Congo-Brazzaville, lundi dernier.
Or, deux réels soucis se posent face à cette menace : les désaccords entre les pays de la région, tout d’abord. Les frontières héritées de la colonisation provoquent des différends, opposant notamment le Togo et le Ghana d’un côté, et le Nigéria et le Bénin de l’autre. L’insuffisance des revenus provenant de la rente pétrolière et commerciale occidentale est également un enjeu de taille. Sur des centaines de projets pétroliers dans le Golfe de Guinée, les Etats africains ne perçoivent qu’un part trop faible pour pouvoir investir durablement dans la lutte contre la piraterie.
Qu’il s’agisse des opérations chinoises dans les eaux angolaises, britanniques au Ghana, et françaises entre le Bénin et le Togo… L’inefficacité est au rendez-vous et, désormais, les entreprises occidentales blâment les pays hôtes pour leur laxisme. Seul pays de la région jouissant d’une présence militaire conséquente, le Nigéria déploie des troupes pour la lutte antiterroriste principalement.
Le Nigéria, plus légitime que la France ?
C’est dans ce cadre que le Premier ministre congolais, Anatole Collinet Makosso, a présenté le dilemme auquel il est confronté. « Pour la seule année 2020, le Golfe de Guinée a fait l’objet de 195 attaques contre des navires s’approchant des côtes et des eaux territoriales, avec des moyens et des méthodes pirates sans cesse renforcés depuis un certain temps », a-t-il dit à Pointe-Noire.
Au cours des neuf premiers mois de 2021, une baisse des attaques de pirates dans la région du Golfe de Guinée a été enregistrée. Dans cette région, comme l’indique le dernier rapport du Bureau maritime international (BMI) de la Chambre de commerce internationale, on a dénombré 28 embuscades en mer au cours des neuf premiers mois de 2021, contre 46 au cours de la même période en 2020. Le Nigéria n’a signalé que quatre incidents au cours des neuf premiers mois de 2021, contre 17 en 2020 et 41 en 2018.
Mais alors que le Nigéria s’impose progressivement comme première force de défense maritime de la sous-région, la présence française dans ce dossier continue de faire parler. La rencontre de Pointe-Noire doit permettre de trouver une solution africaine à un phénomène qui reste conséquent.