370 millions d’arbres sur trois millions d’hectares… En 1968, le projet de Barrage vert du président algérien Houari Boumédiène semblait utopique. Pourtant, il a permis au pays de protéger ses nappes phréatiques, sa flore, son agriculture et surtout d’arrêter le désert.
Entre les années 1940 et 1970, le grand désert algérien menaçait d’engloutir le nord. Les bombardements de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, précédés par les tests nucléaires et le pillage brutal des forêts par les autorités coloniales, ont laissé le nouvel Etat algérien indépendant bien démuni face à une nature ingrate et la menace d’une désertification massive. Lorsque le Conseil de la Révolution prit le pouvoir en Algérie en 1965, le chef du gouvernement socialiste, Houari Boumédiène, fit du reboisement de l’Algérie une de ses priorités. L’Etat connut alors un développement économique rapide, grâce à la rente pétrolière. Cependant, l’explosion de la démographie et l’urbanisation rapide ont nécessité une réaction rapide de la part du gouvernement. Le choix évident aurait été l’industrialisation sauvage. Mais Houari Boumédiène choisit de relever le défi du futur.
Les enjeux du Barrage vert
Le désert avançait à un rythme soutenu, remplaçant les savanes du sud algérien. Le ministère algérien de l’Agriculture décida, en 1966, de commencer le reboisement de Moudjebara. Néanmoins, les autorités se rendirent compte qu’il était impossible de reboiser le long des steppes sans que la végétation soit adaptée aux besoins locaux. Après deux ans d’études, la Commission du Barrage vert présenta son programme, qui s’appuyait sur la plantation d’arbustes indigènes, afin de créer une ceinture le long des steppes algériennes de Djeniene Bourezg de l’ouest du lac de Melghir à l’est. Un paris très coûteux et risqué, alors que l’Algérie sortait d’une décennie de conflits politiques.
Pourtant, dix ans plus tard, le Barrage vert fut une réussite. L’Algérie était le seul pays maghrébin et africain à s’approcher de l’autonomie agricole dès 1976. Cette réussite de Houari Boumédiène mit en valeur la puissance régionale de l’Algérie et fut un exemple pour tous les Etats du Mouvement des non-alignés. Le barrage vert était aussi le point culminant de la « triple révolution industrielle, agraire et culturelle » voulue par Boumédiène.
Le Barrage vert :
En 1974 face à la désertification que vie le territoire Algérien, le président Houari Boumédiène décide de mettre en place le plan « Barrage Vert ». Ce projet immense à pour but de créer littéralement un barrage d’arbre s’étendant sur plus de 1500km de long pic.twitter.com/hPJjdN2T2X
— Assabiya (@Assabiya_) November 8, 2020
Un travail continu pour protéger les acquis
Aujourd’hui, le Barrage vert est menacé. Le réchauffement climatique a ralenti le développement du barrage dans les années 2000, avant de l’arrêter net ces dernières années. Le directeur de la Direction générale des forêts (DGF), Mohammed Abbas, estime qu’entre 2010 et 2021, l’Algérie perdait 30 000 à 40 000 hectares de couvert végétal par an. Les incendies récents en Kabylie n’ont pas arrangé les choses.
L’est algérien, hautement rural, dépendait de ses forêts et des installations pour son économie. Mais depuis 2019, des études sont en cours pour augmenter l’efficacité du Barrage vert. L’Etat cherche à restaurer certaines zones découvertes et prévoit de planter de nouvelles souches d’arbres dans les régions où la végétation est plus dense.
Pour le Centre de recherche scientifique et technique sur les régions arides (CRSTRA) de Biskra, le climat actuel représente un véritable défi. Selon la directrice du CRSTRA, Fattoum Lakhdari, « le plus important maintenant est de tirer des leçons de l’expérience du Barrage vert, de faire un véritable bilan de ce grand projet, d’évaluer le taux de réalisation de ses objectifs et d’étudier les zones où ce patrimoine a porté ses fruits et les zones où ça n’a pas marché ».
Le 17 juin 2021, le ministère algérien de l’Agriculture et la DGF ont lancé le projet de Barrage vert. A terme, l’objectif est d’augmenter la ceinture végétale de 10 %, en plantant 43 millions d’arbustes. Un travail de tous les instants, donc, « pour protéger la biodiversité et les économies futures des crises causées par le changement climatique », lit-on sur un communiqué de la DGF. Une bonne nouvelle à quelques semaines de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP 26).
La muraille verte ne peut pas remplacer le “Barrage vert” initié par H.Boumediene avant que vous ne veniez au monde puis saboté par les assimilés. La cocorico-logie n’est pas l’écologie. https://t.co/ji3FHJnISs
— Mohammed MADJOUR (@MadjourMohammed) April 22, 2021