Le rapport de la Commission vérité, réconciliation et réparations sur Jammeh sera finalement remis fin septembre au président gambien Adama Barrow, deux mois et demi avant l’élection présidentielle.
Les spéculations vont bon train concernant le chef de l’Etat gambien. Adama Barrow a demandé le report de la remise du rapport de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC). Depuis plus de deux ans, cet organe a pour mission de faire la lumière sur les actes perpétrés par Yahya Jammeh et ses plus fidèles lieutenants entre 1994 et 2017. En tout, 370 témoignages ont été recueillis. Cependant, le report de la remise du rapport interroge, de quoi laisser penser à une manœuvre politique. Pour ses détracteurs, Adama Barrow préparerait une alliance avec les partisans de l’ancien chef de l’Etat gambien. L’occasion pour la presse de rappeler que, en novembre 2020, une alliance entre Barrow et l’Alliance pour la construction et la réorientation patriotique (APRC) avait été évoquée.
Or, il faut remonter à ce moment précis pour se rappeler que c’est une déclaration de Fabakary Tombong Jatta, patron par intérim de l’APRC, qui avait mis le feu aux poudres. « En politique, il n y a pas d’ennemis ad vitam æternam. Nos ennemis d’hier peuvent être nos meilleurs amis d’aujourd’hui », avait laconiquement lâché le dirigeant politique, comme pour mieux brouiller les pistes. Interrogé sur ce sujet, Adama Barrow avait, certes, affirmé que, « en politique, tout est possible » et qu’il était « ouvert et prêt à parler avec n’importe qui ». Mais alors qu’il affirmait qu’il serait envisageable de « former une coalition avec n’importe quel parti, (…) même ma principale opposition », Adama Barrow avait tout de même précisé qu’il parlait là du Parti démocrate uni (UDP) et non de l’APRC.
Du retard pris dans la finalisation du rapport de la TRRC
Depuis, le temps faisant son effet, on impute sans cesse au président gambien une volonté d’alliance avec les hommes de Jammeh. Le report de la remise du rapport de la TRRC serait donc une manœuvre électorale. Sauf que la raison officielle est bien moins palpitante : le rapport devait être présenté à Adama Barrow par le procureur Essa Faal trois mois après la clôture des travaux de la TRRC. Le temps pour la commission de rédiger le document. Toutefois, la rédaction a pris plus de temps que prévu et le rapport qui allait être présenté à Barrow n’était qu’une ébauche. Le président gambien a préféré repousser la date, du 30 juillet 2021 au 30 septembre prochain, laissant ainsi deux mois de plus à la TRRC pour finaliser son rapport.
Si le document est très attendu, notamment par les victimes, c’est parce qu’il doit faire la lumière sur l’ère Jammeh et préconiser au président gambien les décisions à prendre. Dévoiler la vérité sur les exactions du régime Jammeh faisait partie des promesses de campagne d’Adama Barrow. Alors que l’élection présidentielle aura lieu à la fin de l’année, le président a tout intérêt à honorer son engagement. La condamnation à mort d’un proche de l’ex-dictateur a permis de voir l’engouement qui régnait en Gambie, quant aux révélations sur les années de tyrannie vécues sous Jammeh. La remise du rapport permettra également au président d’avoir des arguments à faire valoir à l’APRC, qui compte bien présenter un candidat en décembre prochain. Reste à savoir si le rapport ne sonnera pas définitivement le glas de l’APRC.