En Sierra Leone, après plus de six semaines de débats et de vives critiques de l’opposition, le port de pêche chinois a été approuvé par le parlement. Un danger pour les eaux poissonneuses sierra-léonaises ?
Le parlement sierra-léonais a donné son aval à la construction du port de pêche chinois de Black Johnson. Cela fait maintenant plus de six semaines que les députés s’opposent à ce projet, considéré dangereux par plusieurs ONG. Selon Greenpeace, la région concernée abrite 1 288 espèces de poissons, parmi lesquelles certaines en voie de disparition. La surpêche fait des dégâts en Afrique occidentale, et les ONG craignent la tendance chinoise à contourner les règles. D’autant que la côte d’Afrique de l’Ouest est « parmi les plus poissonneuses du monde », note Greenpeace.
Fin mai, c’était le président Julius Maada Bio qui s’était déplacé personnellement pour exhorter le parlement à approuver la construction du port. La Sierra Leone est hautement dépendante de la pêche pour son économie. D’où l’importance du sujet. Le président considérait aussi que ce projet permettrait à la Sierra Leone, le dixième pays le plus pauvre du monde, d’attirer un peu plus les investissements chinois, dans le cadre de la « nouvelle route de la soie » voulue par Xi Jinping.
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Un projet symbolique aux intérêts géostratégiques
Là où les choses se compliquent, c’est que malgré son faible coût – 55 millions de dollars – ce projet est d’une importance capitale. Pour la Sierra Leone, il s’agit d’établir un premier investissement sur le long terme avec la Chine. Pour la sous-région, ce projet relève d’un partage officieux des ressources de poissons de la côte atlantique du continent africain.
Entre la Russie, la Chine, l’Europe, les Etats-Unis et même le Japon et la Corée du Sud, l’investissement dans l’infrastructure portuaire touche à plusieurs aspects. Premièrement, cela facilite la surveillance du commerce maritime, grandement menacé dans les eaux africaines par le piratage. Deuxièmement, les puissances mondiales ont la capacité d’installer les centres de traitement, d’assèchement et de conservation de poissons. Enfin, il s’agit d’un moyen de négociation facile entre ces pays, afin de se partager le « butin » africain, sans tension.
Les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, à l’exception du Sénégal et la Mauritanie, ont une industrie halieutique quasiment nulle. La pêche elle-même est rarement régulée ou planifiée. La pêche industrielle et électrique est inexistante. Lorsqu’on considère la diminution des réserves de poissons dans le monde, à cause de la surexploitation, on comprend l’intérêt des contrées africaines échappants à toute réglementation. Mais la Sierra Leone n’échappe pas aux risques liés à la surpêche : en 2019, les autorités locales avaient dû suspendre les activités de pêche pour reconstituer les stocks de poissons le long des côtes.
Pour la Sierra Leone, la Guinée-Conakry ou le Cap-Vert, sous-traiter la pêche et sa planification est une alternative à la pêche artisanale incontrôlée. Toutefois, là où les avis divergent, c’est que malgré le braconnage artisanal, les ressources poissonneuses de la Sierra Leone n’ont pas encore été profondément impactées. Ce que la présence chinoise pourrait changer, tant on sait que Pékin est l’un des champions mondiaux de la surpêche.
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