Facebook a déclaré mercredi avoir supprimé un large réseau de faux comptes appartenant au régulateur éthiopien INSA. Cette mesure intervient quatre jours avant les élections législatives en Ethiopie.
Des pages et des groupes Facebook, dont le nombre n’est pas spécifié, ont vu les comptes de leurs administrateurs supprimés. Il s’agirait selon Facebook d’un réseau de faux comptes, créé par l’Agence éthiopienne d’information et de Sécurité des réseaux (INSA). Cette agence a été fondée par Abiy Ahmed, peu après son accès à la primature.
Cette décision de Facebook a lieu à peine 4 jours avant le scrutin des élections législatives en Ethiopie. Qui sont, d’ailleurs, les premières élections pour la coalition parlementaire du Premier ministre. Abiy Ahmed, le Prix Nobel de la paix 2019, qui commet actuellement un génocide contre ses propres concitoyens au Tigré, est face à un défi. En effet, Ahmed n’a pris le pouvoir qu’après avoir organisé les pourparlers entre les groupes Oromo, auxquels il appartient, et les groupes Amhara. Ces derniers sont d’ailleurs les premiers alliés nationaux d’Abiy Ahmed, président du Parti de la prospérité.
Toutefois, les groupes Amhara, contrôlant une large faction de l’armée, sont les premiers responsables du génocide au Tigré. Et le Premier ministre les protège bien, au prix de la quasi-totalité de son appui international.
Le gouvernement d’Abiy Ahmed esquive les allégations de Facebook
Le vote du 21 juin sera la première rencontre électorale d’Abiy Ahmed avec les Ethiopiens. Plus de 22% des circonscriptions ne participeront pas en raison de la guerre au Tigré. Néanmoins, selon Facebook, les comptes supprimés n’étaient pas axés sur la guerre au Tigré. Il s’agissait d’une machine purement politique, réunissant 1,1 millions de fans sur ses pages et 766 000 fans de ses groupes Facebook. Les détenteurs de ces comptes auraient aussi dépensé plus de 6200 dollars en publicité sur Facebook, payés en devise américaine.
Interrogée par Reuters sur la relation entre l’INSA et les comptes Facebook supprimés, la porte-parole du Premier ministre, Billene Seyoum Woldeyes n’a pas commenté. « L’INSA relève du ministère de la Paix, et c’est une institution indépendante. Vous pouvez leur poser la question vous-mêmes », a déclaré Seyoum.
Cependant, l’INSA, qui fait aussi office de régulateur des médias sociaux en Ethiopie, a été créée par Abiy Ahmed lui-même. Les comptes qui lui sont imputés n’ont fait que promouvoir l’image du Premier ministre depuis leur création en 2020. Au même moment où le génocide du Tigré a commencé, d’ailleurs.
1/ Today we announced the removal of a CIB network in Ethiopia targeting domestic debate within that country. Our investigation linked this operation to individuals associated with INSA, the Information Network Security Agency. https://t.co/gXsOEVWg01
— Nathaniel Gleicher (@ngleicher) June 16, 2021
Ahmed seul contre tous, mais optimiste
De son côté, Abiy Ahmed a fait sa première sortie médiatique au sujet des élections hier. Il a déclaré : « Un vote pacifique aura lieu en Ethiopie ». Et ce, malgré le génocide dans le Nord du pays, le boycott des élections par l’opposition, l’instabilité dans l’Est provoquée par les conflits ethniques, les frictions avec le Soudan et l’Egypte au sujet du GERD et les nombreux retards qu’ont connu ces élections.
L’Occident, de l’ONU, à Union européenne (UE), en passant par le G7 et les Etats-Unis a condamné le massacre du Tigré. L’Etat éthiopien a réussi à rattraper le coup en passant de grosses commandes d’armes à la Chine et la Russie, qui refusent que le génocide soit discuté au Conseil de sécurité. La guerre du Tigré n’existe pas pour les Etats africains, même après les centaines de décès durant les dernières semaines et les crimes de guerre commis par l’Ethiopie depuis des mois.
Quant à Abiy Ahmed, il est plutôt focalisé sur ses meetings de campagne. Il promet « une Ethiopie pacifique, démocratique, unie et prospère ». Son Parti de la prospérité est le favori pour les élections, auxquelles aucun parti d’opposition ne s’est présenté. Si le scrutin devait se tenir en mars 2020, il a été reporté à cause de la pandémie, et ensuite pour des « problèmes logistiques ».
Il se tiendra, finalement, lundi 21 juin, sans observateurs internationaux. Les ONG ne participeront pas à moins que les aides humanitaires n’aient l’accès au Tigré. L’UE a déclaré en mai qu’elle n’enverrait pas d’observateurs à la suite des conditions posées par le gouvernement d’Abiy Ahmed. Les deux partis d’opposition Oromo se entent trahis par Ahmed et ne participeront pas. Ils représentaient la base d’Abiy Ahmed avant 2019 avec plus de 31% de la population éthiopienne.
We now have #Habesha elites who quote #Demeke_Mekonnen who's was a puppet of #TPLF, and always has been a puppet to anyone at the pinnacle, as credible source to bash #TPLF. We call these elites the "educated" version of #Sisay_Agena serving #Abiy_Ahmed in the propaganda arena.
— Kiflu Hussain (@HussainKiflu) June 13, 2021