Alors que la Tunisie connaît une grave crise politico-économique, la Cour de cassation a décidé de libérer le candidat de l’élection présidentielle de 2019, Nabil Karoui.
Après le dépassement d’un mois de la durée de détention légale, contre Nabil Karoui, qui s’est totalisée à 211 jours. La Cour de cassation a décidé de remettre le politicien et magnat des médias en liberté. Karoui avait connu de longs épisodes d’emprisonnement depuis l’élection présidentielle de 2019. Où il avait participé au second tour contre l’actuel président Kaïs Saïed.
La dernière détention de Nabil Karoui a duré plus de 6 mois. Sa demande de libération sous caution a provoqué un tollé général. En effet, le juge d’instruction avait réclamé 3 millions d’euros pour la validation de la procédure. Une somme record, dans le fond et dans le contexte tunisien. N’ayant pas pu réunir la somme à temps, il est donc resté « à la disposition des tribunaux ». Ce qui, pour son détracteur Mohsen Dali, le porte-parole du Tribunal de Première Instance et du pôle judiciaire et financier, signifiait un long emprisonnement.
Or, la durée de détention préventive en Tunisie ne peut dépasser les six mois. Cependant, dans le cas de Nabil Karoui, il a fallu que le seuil soit dépassé d’un mois avant qu’il soit remis en liberté. En effet, le parquet n’ayant pas présenté de preuves incriminantes, il incombait à la Cour de cassation d’annuler le jugement de prolongation de la détention de Karoui.
TUNISIE : L’ex-candidat à la présidentielle Nabil Karoui libéré après plus de six mois en détention https://t.co/VrcsqxMgyK
— Momar Dieng (@bayemomardieng) June 16, 2021
La traversée du désert de Nabil Karoui
La dernière convocation devant le juge d’instruction a mis à nu un degré non négligeable de machination politique contre Nabil Karoui. En effet, le juge du pôle judiciaire économique et financier s’est pourvu d’un procès-verbal daté du 5 mai 2021 afin de remettre à zéro le compteur de détention de Karoui. Et la relancer, ainsi, de quatre mois supplémentaires.
D’abord, le chef du parti Qalb Tounes (au cœur de la Tunisie), a refusé de signer le document. Ensuite, il a entamé une grève de la faim de plus de deux semaines. Ce qui lui a valu une hospitalisation d’urgence après la dégradation de son état de santé. Il a ensuite été reconduit dans sa cellule de la prison de Mornaguia.
Dimanche dernier, Nabil Karoui a connu un autre malaise à la suite d’une autre grève de la faim. Face à ce contexte, ainsi que la pression politique, la Cour de cassation a rapidement tranché sur le fond du prolongement de la détention. Le finaliste de l’élection présidentielle a donc quitté, hier après-midi, la prison et rejoint sa famille et ses partisans.
Toutefois, force est de constater que l’apparence de l’homme a grandement changé. Il semble plus rugueux et déterminé. Et bien que son emprisonnement ait altéré ses manières, il n’a clairement pas changé ses objectifs. Le patron de Nessma TV, proche du HCS algérien et du conservateur libyen Abdelhakim Belhadj, ainsi que chef du deuxième parti le plus représenté en Tunisie, tardera-t-il à reprendre sa lutte politique ?
🇹🇳 Nabil Karoui, Qalb Tounes' party leader, released from detention by Tunisia's Court of Cassation
▪️ Interesting timing as 🇹🇳's Pres. Kais Saied is in Rome today seeking economic help from 🇮🇹
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— Prof. Michael Tanchum (@michaeltanchum) June 16, 2021
Nouvel homme après sa libération, réussira-t-il à reprendre la politique ?
En effet, le statut de Nabil Karoui a bien changé durant les deux années passées. Même si les accusations à son encontre n’aient toujours pas été prouvées par le parquet, il reste hautement critiqué. Toutefois, sa base populaire n’a pas changé. Ayant misé sur les plus démunis depuis des années, créant une association pour les œuvres caritatives, le soutien pour Karoui ne cesse d’augmenter.
Son meilleur ennemi, le président Kaïs Saïed, a appelé à une rencontre avec l’actuel chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et trois de ses prédécesseurs. Le pays connait une crise financière inédite, même dans le contexte historico-économique du pays. La Tunisie est aussi ravagée par la précarité croissante, la crise sanitaire, les manifestations contre les violences policières et le chômage.
Le retour de Nabil Karoui, donc, serait un signal pour le président qui suscite de plus en plus de critiques. Les nombreux échecs du gouvernement actuel, et la mise sur le carreau du parlement tunisien, ont exacerbé les tensions. Néanmoins, Karoui est représenté par 29 députés à l’ARP, dans une coalition majoritaire de 110 sièges. Il est allié avec trois des six partis les plus influents en Tunisie. Dont l’incontournable parti islamiste Ennahdha de Rached Ghannouchi.
Donc, c’est un autre signal qu’un retour à la vie politique de Nabil Karoui enverrait. Ce serait un signal pour les populations exaspérées par les chamailleries politicardes qui occupent les médias. Et, probablement, un second souffle pour la Tunisie qui s’est adaptée à l’effort de supporter des leaders impuissants. Qui ont réussi à isoler le pays totalement, en Afrique, dans le monde, ainsi qu’à l’appauvrir au point de l’humiliation.
https://afriquechronique.com/lafrique-daujourdhui/tunisie-nabil-karoui-une-liberation-a-credit/