Malgré des lois censées protéger les Noirs en Mauritanie, ces derniers déplorent toujours un racisme persistant. La mort d’un jeune homme, arrêté par la police, a relancé le débat sur cette question.
Il s’appelait Oumar Diop. Et sa mort, à Boghé, en Mauritanie, a provoqué de violentes émeutes. Alors qu’il avait été arrêté par la police, Oumar Diop est décédé. Des manifestations ont alors eu lieu pour réclamer la vérité sur ce décès et, surtout, pour dénoncer le racisme. Si une autopsie doit permettre de faire la lumière sur cet événement, la mort du jeune homme a une nouvelle fois relancé le débat du racisme en Mauritanie.
Il faut dire que le racisme est bien ancré dans ce pays, qui n’a aboli l’esclavage des Mauritaniens noirs qu’en 1981. Interrogé par RFI, Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni, président de la Commission nationale des droits de l’homme, admet, certes, que du chemin a été parcouru sur le sujet : « L’esclavage a été hissé au rang de crime contre l’humanité, et en ce qui concerne la question de la discrimination, il y a eu des mesures qui ont été prises, dit-il. Nous avons travaillé sur l’état civil, nous avons travaillé sur l’accès de tous les citoyens aux services publics en matière d’accès à la justice, d’accès à la fonction publique ».
Pourtant, des revendications, que le président de l’ONG estime « tout à fait légitimes », sont encore présentes en Mauritanie. Car malgré l’arsenal juridique mis en place par les autorités pour protéger les populations noires, sur place, le racisme a encore de beaux jours devant lui. « Il y a aujourd’hui une politique d’impunité à l’encontre de certains citoyens. La police tue, arrête et torture sans aucune poursuite judiciaire. L’exclusion systémique de la communauté noire dans l’administration, l’armée, dans la diplomatie, partout, est visible » résume à la radio internationale Kaaw Touré, porte-parole des Forces progressistes du changement.
Ce que confirment les militants antiracistes. Dans Afrique XXI, qui estime que, « en dépit de quelques progrès juridiques accomplis pour tenter de lisser les clivages ethniques en Mauritanie, une crise identitaire et de lourdes inégalités sociales et économiques fracturent le pays », l’ancien haut fonctionnaire Mamadou Moctar Sarr estime que la « politique raciste » du pouvoir « perdure de nos jours ». Il voit, en Mauritanie, une « phase de régression sociale et politique ».
Alassane Harouna Boye, dans son livre « J’étais à Oualata », dénonce un « racisme d’État ». Il faut dire que, effectivement, les autorités, à défaut d’endiguer ce phénomène, ont été jusqu’à alimenter le racisme. Depuis les années 1960, aucune étude statistique n’a été publiée, concernant les origines ethniques des Mauritaniens. Mais lorsque, en 2011, le gouvernement avait mis en place le passeport biométrique, il avait demandé à tous les citoyens de prouver, devant l’administration, leur « mauritanité ». À l’époque, des manifestants noirs avaient protesté. Problème : il est presque interdit aujourd’hui de dénoncer ouvertement le « racisme ».
La mort d’Oumar Diop a relancé un sempiternel débat sur la condition des Noirs en Mauritanie. La lumière sera-t-elle bientôt faite sur les circonstances de son décès ?