Le président malien de la FIBA, Hamane Niang, a été écarté. Il est accusé d’avoir fermé les yeux sur des abus sexuels alors qu’il présidait la Fédération malienne de basket-ball.
Sur le plan sportif, le travail de Hamane Niang, président de la Fédération internationale de basket-ball (FIBA), est reconnu : alors qu’il dirigeait les instances malienne de basket, il a contribué à faire du pays un des acteurs majeurs des parquets. Mais depuis, Niang fait la une de la rubrique faits divers des jouraux. Le New York Times fait en effet, dans son édition du dimanche 13 juin, des révélations concernant une enquête sur des violences sexuelles au sein de la fédération malienne, alors que Hamane Niang en était le dirigeant.
Et alors que le journal américain s’apprêtait à publier une enquête sur des faits supposés de harcèlement sexuel systémique et d’abus sur une dizaine de joueuses au Mali, le patron de la FIBA s’est finalement mis en retrait « temporairement », le temps d’obtenir des éclaircissements sur les accusations.
Hamane Niang a-t-il fermé les yeux ?
C’est du début des années 2000 que part cette affaire. Hamane Niang n’est pas directement accusé d’abus sexuels. Il aurait cependant fermé les yeux sur ces pratiques. Pour le NYT, Niang aurait « largement ignoré l’agression de femmes pendant une douzaine d’années entre 1999 et 2011, lorsqu’il a d’abord été président de la Fédération malienne de basket, puis ministre des Sports du pays ».
Hamane Niang, s’il a temporairement laissé son poste de président de la FIBA, « nie fermement » les accusations portées par le NYT. Il explique vouloir coopérer avec les enquêteurs. « Je n’ai jamais été impliqué et je n’ai jamais eu connaissance des accusations décrites dans votre correspondance », a-t-il simplement indiqué au journal américain. De son côté, la FIBA affirme vouloir « une tolérance zéro à l’égard de toutes les formes de harcèlement et d’abus », mais ajoute respecter la présomption d’innocence de Hamane Niang.
Par ailleurs, deux entraîneurs maliens, tous deux accusés d’avoir abusé sexuellement de leurs joueuses, ont été suspendus par la FIBA, ainsi qu’un haut responsable de la fédération malienne de basket-ball. L’attitude de Niang, elle, est décriée par certaines joueuses maliennes, qui assurent que celui-ci était au courant de ce qui se passait en coulisse. Le patron de la fédération, disent-elles, étaient présent en boîte de nuit au moment de certaines victoires en 2006 ou 2007, et aurait assisté à des gestes déplacés de leur entraîneur, Cheick Oumar Sissoko.
« Aucune fille ne se sent en sécurité »
A l’ONG Human Rights Watch, plusieurs joueuses ont raconté des témoignages similaires. Aissata Tina Djibo, ancienne star des parquets au Mali, estime que les dirigeants du basket malien « ne vous considèrent pas comme des basketteuses, mais comme un morceau de viande avec lequel ils peuvent avoir des relations sexuelles ». Selon elle, une douzaine d’entraîneurs et de responsables de la fédération auraient abusé des joueuses. Au moins cent victimes seraient à déplorer, souvent des adolescentes.
L’histoire d’une jeune fille, à qui un entraîneur avait promis une belle carrière contre des faveurs sexuelles, qui a dû avorter a particulièrement marqué les observateurs qui dénoncent « un système » organisé et non pas de simple isolés. « Aucune fille ne se sent en sécurité », décrit Camara, un ancien joueur de l’équipe nationale masculine des jeunes du Mali.
L’affaire malienne, continue le NYT, montre à quel point le système de protection des jeunes sportives est défaillant. « Le harcèlement et les abus dans le sport sont un sujet très préoccupant, qui retient toute l’attention du CIO », a déclaré le Comité international olympique dans un communiqué.
Pour Djibo, Niang a participé à couvrir ces abus systémiques : « Bien sûr qu’il le savait. Yankee (le surnom de Cheick Oumar Sissoko, ndlr) était son meilleur ami, ils traînaient ensemble. C’est pourquoi Yankee était si puissant. Il avait le soutien du président ». Pour Young Players Protection in Africa-Mali, une ONG de défense des droits de l’enfant, « chaque président depuis deux décennies est au courant, mais qu’ont-ils fait ? Personne n’a levé le petit doigt. Pratiquement toutes les personnes âgées qui travaillaient dans le basket-ball malien étaient également au courant des abus ».
Il est désormais reproché à Hamane Niang d’avoir voulu protéger l’institution plus que les victimes. L’enquête va se poursuivre. S’il est avéré que le patron de la FIBA était au courant de ce qui se déroulait dans les vestiaires, il perdra certainement son poste. Quant à la Fédération malienne de basket-ball, elle devra faire son introspection et prendre, elle aussi, les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise.