Le sommet du G7, conclu hier au Royaume-Uni, a abordé plusieurs sujets relatifs à l’Afrique. Si d’un côté, le représentant africain Cyril Ramaphosa a parlé des vaccins, l’ONU et des activistes éthiopiens ont imposé l’intégration du génocide du Tigré à l’ordre du jour.
Onze pays, ainsi que l’Union européenne (UE) se sont réunis à Cornouailles (Cornwall), en Angleterre, dans le cadre du 47e sommet du « Groupe des sept » (G7). Le président sud-africain a été invité en marge de la catastrophe sanitaire dont souffre son pays. Mais aussi, Cyril Ramaphosa était supposé représenter les intérêts africains en général dans ce sommet où l’Afrique a rarement une voix.
Toutefois, le président sud-africain a regretté que l’Union africaine ne soit pas invitée. Il a estimé, à son retour à Johannesburg, avoir pu « faire passer notre message ». Clairement, Ramaphosa se fourvoie. Il incombait au coordinateur des secours d’urgence des Nations unies, Mark Lowcock, de défendre la cause des Tigréens qui font face à un génocide moyennant la famine dans le Nord éthiopien. Ce ne serait pas la première fois, d’ailleurs, que les dirigeants africains font semblant d’ignorer le génocide le plus meurtrier qui prend place actuellement en Afrique. Et dans l’état actuel des choses, ce ne serait pas la dernière fois, non plus.
Cependant, le sommet des G7 n’a pas vocation, à la base, de discuter de l’aspect humanitaire de la pandémie ni de la guerre du Tigré. Il s’agit d’abord d’un groupe de partenariat économique qui rassemble les puissances mondiales en la matière. Si les deux sujets ont pu s’inviter à la table du sommet, qui connait de plus en plus une domination européenne, c’est surtout pour deux raisons. Premièrement, l’impact économique de la Covid-19. Deuxièmement, l’intérêt particulier que porte l’ONU à la crise du Tigré.
Encore des pourparlers avec l’OMC au sujet des vaccins
En ce qui concerne « l’apartheid vaccinal » dont souffre l’Afrique, c’était le président Cyril Ramaphosa qui devait remonter le sujet à l’attention des participants. Rappelons que l’Inde, qui participe également au sommet, a soutenu la demande africaine de la levée des brevets sur la propriété intellectuelle des vaccins.
Cyril Ramaphosa a donc déclaré : « Les négociations doivent se poursuivre devant l’OMC et nous en sommes satisfaits. Au moins 100 pays soutiennent notre proposition. L’important est que les pourparlers continuent ».
Néanmoins, c’était justement l’OMC qui avait imposé les deux poids, deux mesures, dans le traitement des brevets sur les vaccins contre la Covid-19. Et bien que les Etats-Unis et la France, entre autres, aient changé leur position depuis des semaines, sa directrice Ngozi Okonjo Iweala s’est montrée légèrement traîne-la-patte sur le dossier. Ce qui lui a valu de nombreuses critiques, mais a lui a assuré le soutien des 1 pour cent les plus riches.
En effet, le lobbying des entreprises pharmaceutiques a soumis les pays africains à des négociations compliquées. Certains, comme l’Egypte et l’Algérie, ont conclu des accords pour produire le vaccin russe Spoutnik V. L’Egypte a enchaîné sur un partenariat chinois avec Sinovac, pour produire CoronaVac. Cependant, les économies plus fortes, comme l’Afrique du Sud et le Nigéria, ne trouvent toujours pas de solutions concrètes à la pénurie de vaccins.
Le président français, Emmanuel Macron, a « salué le leadership de l’Afrique du Sud et de l’Inde », sans oublier de saluer le sien. Il considère que les discussions avec l’OMC doivent être « suivies des actes en conformité avec ses engagements ». L’Allemagne s’oppose encore à la levée des brevets. Et la récalcitrance de plusieurs autres pays doit encore être solutionnée avant qu’une décision concrète soit prise.
•12.06.2021• 📍 Cornouailles, Royaume-Uni
Emmanuel Macron lors de son entretien bilatéral, avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, dans le cadre du G7
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— Couplemacronfan (@couplemacronfan) June 12, 2021
Le G7 « profondément préoccupé » par le génocide, sans plus
Sur un autre plan, les représentants du G7 ont été obligés d’aborder la guerre du Tigré. Cette tournure inattendue a eu lieu grâce aux centaines de manifestants qui se sont rendus à Falmouth. Près du lieu où se tient le sommet du G7. Les protestataires ont exigé que le génocide du Tigré soit discuté, et que les leaders mondiaux y apportent une solution.
Pour rappel, la guerre menée par Abiy Ahmed et Isaias Afwerki contre le Tigré depuis novembre a fait des milliers de morts. On décompte deux millions de déplacés, parmi lesquels 350 000 risquent la mort par la famine. Il s’agit d’une stratégie délibérée exécutée par l’armée érythréenne et les unités éthiopienne d’Amhara.
En effet, des milliers de réfugiés, jusqu’à récemment logés dans des camps de l’ONU, ont été chassés par la force. Plusieurs d’entre eux, des familles, sont actuellement dans le désert. L’embargo éthiopien empêche l’aide humanitaire d’avoir accès à la région. Face aux demandes internationales incessantes, Abiy Ahmed a déclaré à six occasions que la famine soit un mensonge. Il a aussi déclaré autant de fois, voire plus, que l’armée érythréenne s’était retiré du Tigré. Et ce, évidemment, après que les autorités éthiopienne et érythréenne aient nié la présence de cette armée.
Le sommet du G7 a donc présenté officiellement le rapport de l’ONU sur la situation de famine. Les intervenants ont habilement esquivé la participation active de l’Ethiopie et de l’Erythrée dans ce contexte. Mais dans un communiqué publié ce dimanche, les Etats se disent « profondément préoccupés ». On y lit : « Les informations font état d’une tragédie humanitaire majeure en cours. Dont potentiellement des centaines de milliers dans des conditions de famine ». De quoi, sans doute, faire réfléchir le Premier ministre éthiopien. Rien de concret, cependant.
Eritrean activist @ElsaChyrum speaking at a demonstration held for the cause of Tigray genocide outside the G7 meeting pic.twitter.com/kB2jYKO3vF
— Sey Geb (@sey_geb) June 12, 2021