La Tunisie a connu une nouvelle vague de manifestations, qui ont tourné en affrontements violents avec la police après le déploiement des unités d’intervention. La capitale Tunis a connu des dizaines d’interpellations brutales.
Une vague de manifestations a commencé jeudi à Tunis, la capitale tunisienne, suite au décès d’un jeune. Ahmed ben Ammar, un habitant du quartier Sidi Hassine de la banlieue de la capitale, aurait été tabassé à mort par des agents des forces de l’ordre. Un incident qui rappelle des dizaines de meurtres similaires commis par la police tunisienne.
Depuis son indépendance, la Tunisie est connue pour la brutalité policière. Du temps de l’ancien président, feu Zine el-Abidine Ben Ali, et de son prédécesseur Habib Bourguiba, les interpellations policières et le traitement des mis en examen comportaient souvent des actes de torture et de déshumanisation. Avec l’avènement d’un Etat policier sous Ben Ali, le suicide d’un marchand avait provoqué une révolte citoyenne en 2011. C’était d’ailleurs la première parmi d’autres dans la zone MENA. Une mouvance appelée « le printemps arabe ».
Les mensonges du gouvernement qui exaspèrent les populations
Toutefois, la « révolution » tunisienne n’a clairement pas freiné les violences policières. Tous les deux ou trois mois, la police se retrouve accusée de plusieurs actes de torture, ou de meurtre. En 2018, des agents de la douane avaient pris d’assaut le même quartier, Sidi Hassine. Quatre de ces agents ont tué par balle un jeune homme sur fond de marchandises de contrebande.
Toutefois, la mort d’Ahmed ben Ammar était bien plus mystérieuse. Alors que la famille du décédé insiste qu’il ait été agressé jusqu’à la mort par les policiers qui l’ont interpellé. Le ministère de l’Intérieur, ainsi que l’autopsie du médecin légiste montrent qu’il serait mort suite à l’ingurgitation de plusieurs capsules de cocaïne.
Pourtant, selon les manifestants, les preuves de la brutalité policière sont indéniables. Le contexte de la mort de ben Ammar a été exacerbé par une vidéo virale qui a tourné sur les réseaux sociaux depuis mercredi. Cette vidéo montre un autre jeune homme, mineur, se faire dénuder par des policiers. Il a ensuite été assommé par des coups de bottes des agents de police. Il s’agirait, selon les témoignages, d’un manifestant pour la mort d’Ahmed ben Ammar. La police a toutefois affirmé qu’il était ivre, et déjà dénudé avant l’arrestation. Ce que la vidéo dément.
🚨🚨 ATTENTION VIDÉO CHOQUANTE 🚨🚨 et non ce n'est pas #GUANTANAMO c'est #SIDIHASSINE en #TUNISIE 🤬🤯😱 #ACAB. C' le traitement réservé aux manifestants des quartiers populaires en marge de protestations suite à la mort suspecte d'un jeune en détention dans un poste de police pic.twitter.com/9TIZeKAEP8
— 10Millions2Po (@10Millions2Po) June 10, 2021
La violence policière en Tunisie, soutenue par l’impunité
De violents affrontements ont donc éclaté dans toute la capitale tunisienne. Des milliers de jeunes ont manifesté contre la recrudescence des brutalités policières dans les quartiers et les régions les plus populaires. Les manifestations ont toutefois connu une lourde répression. Les forces de sécurité ont arrêté grossièrement plusieurs personnes et ont tiré du gaz lacrymogène sur les manifestants, avant d’en blesser plusieurs à coups de matraque.
Le mécontentement a atteint son paroxysme dans la soirée d’hier. Dans un rassemblement faisant suite à trois nuits consécutives d’affrontements, des dizaines de jeunes se sont fait arrêter. A la suite du tollé causé par les images violentes des différentes interpellations, le ministère de l’intérieur a enfin reconnu la responsabilité de la police dans les violences. Dans un communiqué, le gouvernement a assuré qu’ils seraient suspendus de leurs fonctions.
Cependant, l’expérience des dernières années montre que souvent, les policiers accusés de violence sont assujettis à des sanctions symboliques. Certains écopent de simples conséquences administratives. Cela vaut même pour ceux qui sont accusés de crimes graves. Comme les homicides volontaires, le viol, les agressions physiques sans motif, la torture, le chantage etc. Les dossiers en justice sont souvent manipulés lors des interrogatoires. Ces derniers sont conduits par différents organes de la police. Et les magistrats ne peuvent agir que sur la base des procès-verbaux initiaux. Quant aux forces de l’ordre, bien qu’elles n’aient plus le pouvoir discrétionnaire dont elles jouissaient du temps de Ben Ali, les crimes policiers ne cessent d’augmenter.
What happened today in tunis #Tunisia
Photo by @YassineGaidi pic.twitter.com/AAbc85kBxf— Amayed aymen (@AmayedAymen) June 12, 2021