Selon un rapport d’Amnesty International, les dernières évacuations de la baie de Palma, envahie par Daech fin mars, auraient été effectuées de façon raciste. Le pont aérien aurait privilégié les êtres vivants au teint plus clair.
Dans un rapport publié le 13 mai, le groupe de défense des droits Amnesty International apporte des témoignages alarmants de la zone côtière de Cabo Delgado. Lors de l’offensive terroriste sur la baie de Palma, certains civils ont trouvé refuge dans l’hôtel Amarula. Les paramilitaires sud-africains de Dyck Advisory Group (DAG) ont donc déployé des hélicoptères pour les secourir. Cependant, ces hélicoptères ont choisi de secourir la vingtaine de blancs présents sur les lieux, et ensuite les chiens, avant d’abandonner les locaux.
Selon l’entretien avec 11 survivants de l’évènement, le directeur de l’hôtel, un néerlandais, a choisi d’emmener ses deux bergers allemands sur le dernier vol partant de l’hôtel. Le DAG, une société privée sud-africaine appartenant à Lionel Dyck, a rejeté les allégations d’Amnesty. Dans un premier lieu, le directeur du DAG a déclaré que parmi 24 personnes sauvées, 18 étaient « noires de nationalités différents ». Ensuite, un communiqué de la société militaire a précisé que bien que seuls des blancs aient été évacués, il ne s’agissait pas du choix des sauveteurs. Selon le communiqué, l’équipe du DAG aurait chargé les personnes choisies par le directeur de l’hôtel.
ISIS attack on Palma, Mozambique. Amnesty International denounces: Twenty white contractors were prioritised to be airlifted to safety while the others (…) were abandoned to take their chances https://t.co/r71uDgzqoe
— francesco strazzari (@franxstrax) May 13, 2021
Les chiens plutôt que les êtres humains
D’abord, quelque 220 personnes, travaillant sur un projet gazier à proximité avaient rejoint l’hôtel lors de l’offensive de Daech contre la ville de Palma. En effet, le 24 mars, le groupe terroriste Ansar al-Sunna, affilié au groupe al-Shabaab de l’Etat Islamique, a attaqué l’Est de Cabo Delgado. La région est en proie à une guerre civile opposant le gouvernement aux insurgés des Forces Démocratiques Alliées (ADF).
La prise de la baie de Palma a causé une catastrophe humanitaire. Plus de 200 000 personnes se sont réfugiées plus au Sud. Mais certains, comme les travailleurs dans les champs de gaz plus au Nord, sur la frontière tanzanienne, se sont retrouvés encerclés.
L’hôtel, en bord de mer, a lancé un appel d’alerte aux autorités de la base militaire de Gananga. Ces derniers, n’ayant pas les moyens de rejoindre les lieux, ont suscité l’aide des paramilitaires sud-africains. Selon Amnesty, le DAG a assuré un pont aérien de cinq vols, prenant en charge exactement 24 personnes, et deux chiens. Une fois que tous les blancs ont été évacués, les ressortissants noirs ont été laissés à eux-mêmes. Certains ont rejoint l’initiative civile qui a évacué plusieurs personnes en bateau. Les autres ont tenté de fuir par convoi terrestre, mais ont été pris en embuscade par al-Shabaab.
Le directeur régional d’Amnesty pour l’Afrique de l’Est, Deprose Muchena, a déclaré : « Les faits sont alarmants ». Selon lui, le plan de sauvetage faisait l’objet d’une ségrégation raciale. Il a aussi accusé : « choisir de sauver ses chiens plutôt que des personnes est extrêmement choquant », a-t-il affirmé.
The security situation in Palma, #Mozambique, is still volatile and our colleagues on the ground informed that hundreds of people are right now trying to leave the area while thousands of others are making their way by foot, boat & road to safer places: https://t.co/O83VK7QTHs pic.twitter.com/5QhwoFYhYi
— Saviano Abreu (@savianoabreu) March 31, 2021
« Nous les avons sauvés en partant de là »
L’un des évacués, Wesley, a réfuté les allégations d’Amnesty. Selon lui, le départ des blancs aurait facilité l’évacuation des autres réfugiés de l’hôtel. Il aurait déclaré : « Ce sont nous, les blancs, qui avons sauvé 200 personnes en partant de là. ».
Les autres survivants ont toutefois corroboré la version des faits présentée par Amnesty. Une survivante, Imany, a déclaré : « Nous ne voulions pas que les blancs soient secourus en priorité. Nous savions que s’ils partaient tous, nous serions laissés là pour mourir. C’est exactement ce qui s’était passé. », a-t-elle affirmé.
Imany avait été capturée par les combattants de Daech suite à l’évènement, avant de s’enfuir deux semaines après. Dans les alentours de l’hôtel, douze corps décapités ont été retrouvés quelques jours après l’évacuation organisée par le DAG. Un responsable d’Amnesty a confessé : « C’est une autre démonstration de l’approche inhumaine de l’armée mozambicaine et des DAG. Ils ont causé des dégâts incommensurables à Cabo Delgado. Le gouvernement ne devrait plus les laisser agir indépendamment. », a-t-il énoncé.
IS assault in #Mozambique survivor, Wesley Nel, explains how the horrific ordeal felt unreal. #CarteBlanche 7pm tonight with @DerekWatts. pic.twitter.com/2w08USUwYx
— Carte Blanche (@carteblanchetv) April 11, 2021