Le Duc du rap francophone Booba quitte sa retraite de courte durée. Le rappeur franco-sénégalais a sorti son nouveau single « Kayna ». Et comme d’habitude, les textes poignants de B2O sont pleins de références.
Le rappeur Booba avait annoncé sa retraite avec son dernier album qui cartonne encore, Ultra. Toutefois, il ne se serait retiré de la scène que deux mois. Vendredi 7 mai, Booba a lâché son nouveau morceau, « Kayna ». Le nom du titre fait allusion à la reine amazigh Dihya, appelée également Kahena. Cette reine guerrière s’était opposée à la conquête des Umayyades au VIIe siècle. Kahena reste encore un exemple d’insoumission, elle mourut libre, son épée à la main.
Néanmoins, Booba évoque l’historique reine des berbères dans un contexte familial. Prônant que s’il se bat encore, ce serait pour garantir un futur radieux à ses enfants. En effet, on écoute dans le texte : « Si j’avais su, je ne serais pas venu, je n’aurais mis personne au monde. Maintenant ils sont là, masha’Allah, on combat comme Yoda, pas de tombe. », chante le rappeur. Il reprend ensuite : « mourir au front, ma destinée, demande à Kayna », écoute-t-on. La chanson, inattendue, a été spoliée par l’incroyable succès de l’album « Ultra ». L’album sorti le 5 mars est encore en tête des charts. Le succès est phénoménal, même pour quelqu’un avec le calibre de Booba.
Les causes de B2O
Sur un autre front, Booba est le maître indiscutable du rap francophone. Non seulement il réussit encore à séduire les fans à 44 ans, mais il a été l’un des chanteurs les plus consistants du monde. Avant-gardiste, il a été le premier à imposer l’Auto-Tune dans le rap francophone. Et malgré sa très, très longue liste de rivaux dans le monde de la musique, il s’est toujours distingué comme le meilleur.
De plus, Booba est un modèle de réussite. Il a grandi en banlieue parisienne, à une époque où la ségrégation contre les immigrés africains ne faisait pas la une des journaux. De son vrai nom Elie Yaffa, il était le fils de Seydou, un migrant sénégalais. Booba a toujours été un admirateur du boxeur Mohamed Ali. Lors de son premier voyage au Sénégal, alors qu’il était adolescent, il a rencontré son cousin Boubacar, d’où le nom de scène de l’artiste, Booba. B2O est aussi de confession musulmane, comme la majorité des Sénégalais. Même si, contrairement à d’autres artistes africains de la banlieue parisienne, il ne défend aucun message religieux dans ses chansons.
Cependant, l’artiste défend des causes universelles. Son combat contre le racisme est bien connu. Il fait souvent référence à la lutte contre l’esclavage. Booba dénonce aussi l’apartheid, qui, selon lui, est encore d’actualité. Notamment, il parle souvent de la cause palestinienne, sur laquelle il tient une position réaliste. Il avait d’ailleurs clashé Tariq Ramadan pour son opportunisme et sa capitalisation sur cette cause, dans son titre 3G. On y écoute : « ma life est d’humeur palestinienne, bien avant toi ». Puis, Booba a dédié une partie de son album « Trône » au Sénégal. Son single « DKR », acronyme de Dakar, était single de diamant. Et comme toujours, son rap est social, jamais politique.
La pierre angulaire du Rap
Le Duc de Boulogne accuse aussi le racisme contre les immigrés. Dans sa meilleure chanson, Pitbull, il dit : « tout commence dans la cour de récréation. Malabar, ChocoBN, « sale noir », ma génération ». Il dénonce ainsi les insultes auxquelles il fît face, enfant. Pour ce qui est du titre « Kayna », Booba revient sur ses succès et ses échecs. Le rappeur, père de deux enfants, vit à Miami aux Etats-Unis depuis des années maintenant. Toutefois, il annonce haut et fort sa préférence pour l’Afrique. Booba chante : « Plus Bamako que Hollywood, demande à Bramsito c’est quoi le mood », dit-il. En effet, Booba avait fait un duo avec Bramsito, un chanteur franco-congolais, appelé « sale mood ». Booba explique ensuite l’obligation qu’il a envers ses enfants. Pour lui, leur offrir le meilleur futur possible est la raison pour laquelle il vit aux Etats-Unis.
Ensuite, le rappeur fait référence au réchauffement climatique, et à sa prise de conscience pour cette catastrophe. On entend dans le texte : « La lumière que tu vois dans mes yeux vient d’une planète en feu », déclare-t-il. Il serait aussi pertinent de mettre en valeur la grande participation de Booba à la création d’un nouveau langage. En effet, à part le verlan et la langue de veu, les tournures de phrases et les mots inventés par Booba sont une culture à part. Il ne s’agit pas seulement d’un « français des rues », mais bel et bien d’un dialecte de l’immigration africaine. Il suffit de citer cette punchline de « Caramel » : « chevaux noirs dans moteur allemand, ma rage est coloniale ». On ne peut faire une meilleure métaphore.