L’ancien Premier ministre de la RDC, sous Joseph Kabila, Matata Ponyo Mapon, est arrivé dimanche à Kinshasa. Accusé par la justice de détournement de fonds, l’économiste n’en serait probablement pas à son premier scandale.
Le manitou des banques congolaises, Matata Ponyo, est actuellement à Kinshasa. Son retour prématuré de la Guinée, où il se trouvait pour former les ministres d’Alpha Condé, a suscité un tollé sur le Web. Entre opposants et adulateurs, Ponyo devra répondre d’une sale affaire. En l’occurrence, le dossier du parc agro industriel de Bukanga-Lonzo.
Au début, le projet du parc était une entreprise pilote pour la lutte contre la faim et la pauvreté. En effet, le parc créé en 2014, en partenariat public-privé (PPP), devait être une large culture moderne pour les produits agricoles. Le projet ambitieux avait reçu 205 millions de dollars de mise de fonds, dont la moitié par l’Etat.
Ensuite, l’investisseur privé principal, le sud-africain Africom Commodities, a sonné l’alarme en 2018. L’entité réclamait depuis 2017 la restitution des fonds investis. Le projet du parc a été un fiasco sur tous les fronts. Ce n’est que depuis la fin de la présidence de Joseph Kabila que la justice congolaise a commencé à faire les audits à un niveau national. Le bilan accablant a confirmé les soupçons sur les arrangements financiers douteux entre le gouvernement congolais et Africom Commodities.
Les communautés agricoles qui ont cédé leurs terres ont aussi été trompées. Les agriculteurs avaient signé des actes d’engagement attestant que le projet leur fournirait une infrastructure en échange d’une part des bénéfices. Or, ils ont été chassés de leurs terres un par un. Les terres, elles, sont désormais désertiques, à cause de cette abandon forcée.
Pourquoi dans les dossiers de détournement on ne parle pas des montants comme 500$? Même 10.000$? Que des millions.
Aussi, quel est le montant total des millions détournés à ce jour ? Quelqu’un note ça dans un tableau Excel au moins? Il ne faut rien oublier.
Bon dimanche
— Sharufa (@Sharufa_) May 3, 2020
Des magouilles ou de la mauvaise gestion ?
Actuellement, la justice regarde vers Matata Ponyo, qui avait parrainé le projet lorsqu’il était Premier ministre. Ce dernier a été dénoncé en 2018 par Patrick Kipalu, qui était directeur du programme britannique Forest People’s en RDC. Kipalu avait réuni les témoignages des locaux, qui ont détaillé les faux rapports du gouvernement sur les investissements privés. Les agriculteurs ont aussi déclaré avoir été arrêtés et torturés lorsqu’ils ont manifesté pour réclamer le travail qui leur a été promis, ou du moins la restitution de leurs terres.
Matata Ponyo a été accusé d’avoir organisé la cession des terres à Africom Commodities. Il est aussi soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin contre le détournement des fonds de l’Etat pour l’investisseur. De surcroît, Ponyo serait à l’origine des exactions du gouvernement envers les propriétaires des terres.
L’ex-Premier ministre a toutefois nié ces allégations. Au début, il a rejeté la faute sur les partenaires privés, qui auraient dilapidé les fonds de l’Etat, selon lui. Lors d’une conférence de presse tenue il y a quelques mois, Ponyo a clamé que la primature n’était aucunement responsable. Rassuré par un rapport qui rejette la faute sur les investisseurs, il a donc décidé de faire face à la justice en RDC.
Cependant, Matata Ponyo n’est plus protégé par Joseph Kabila. Il se pourrait aussi que cette affaire douteuse éclaire le public sur sa gestion de la banque centrale dans les années 1990, ainsi que des finances de l’Etat dans les années 2000. Ponyo a aussi été directeur général du BCECO, qui était chargé des projets PPP en RDC. Le pays a toutefois été dans le top 20 des pays plus corrompus au monde pendant trois décennies. Il serait inconcevable que « le banquier de la RDC » ne soit pas mêlé à ce contexte.
#BukangaLonzo
Ils vont être arrêtés en cascade… Cette semaine va être très tumultueuse ! Très hâte, très hâte. Malheureusement, ils n'avaient pas construit de nouvelles prisons. Ils vont vite tomber malade une fois à Makala…
Le rêve de @IsralMutombo11 se réalise. pic.twitter.com/42RRvx38hv— Rodriguez Katsuva (@Katsuva_R) May 9, 2021
La dette souveraine de la RDC, une « success story » ?
Durant son mandat de ministre des Finances et ensuite de Premier ministre, Ponyo avait aussi conduit les réarrangements de la dette congolaise. Au moment où l’Etat annonçait fièrement une croissance économique de 9,5 %, la dette souveraine s’élevait à 10 milliards de dollars. Or, le gouvernement avait annoncé 5 milliards de dollars de dette. En effet, une obscurité totale, et insolite, entoure les rééchelonnements de dette de la RDC entre 2009 et 2016. Le pays était considéré parmi les moins endettés en Afrique. Mais en réalité, la dette aurait été transférée de l’Etat, comme personne morale, aux institutions de l’Etat, qui le sont également.
A posteriori, de grands doutes planent sur la politique économique du gouvernement Ponyo-Kabila. Elle a été présentée à l’opinion publique comme un succès, mais le pays a presque doublé sa dette souveraine dès la fin du mandat du Premier ministre. Ensuite, Matata Ponyo a accompagné les élections togolaises et la mise en vigueur de sa stratégie de développement. Puis, en octobre 2020, il a été désigné par l’Union africaine pour observer l’élection présidentielle guinéenne. Soit un troisième mandat pour Alpha Condé. Depuis, il forme les ministres guinéens à la « bonne gouvernance », entre autres.
La justice de la RDC a donc demandé la levée de l’immunité de Ponyo. Il se trouve actuellement à Kinshasa, avec une étrange certitude de son innocence. Toutefois, ce ne sera qu’après sa comparution que le public en saura plus. Au cas où il serait condamné pour les accusations de corruption, cela signifierait la fin de la légende d’une réussite financière en RDC. Et dans ce cas de figure, la réputation, déjà entachée, de Kabila et de ses bailleurs israéliens, le serait encore plus. Affaire à suivre.
#RDC: Former DRC PM Ponyo, one of the best in its history, is making an excellent point about the rule of law in this tweet. And by obeying his summons, he is also respecting the rule of law. Let justice, no matter how flawed, take its course in this case about #BukangaLonzo. https://t.co/owu4ua9DbN
— August V of Harlem 🔯 (@AugustCohen4) May 9, 2021