C’est une semaine sanglante au Sahel. Les groupes terroristes ont repris leurs attaques sur trois fronts : au Burkina Faso, au Nigéria et au Mali. Bilan : 70 morts et un journaliste enlevé.
Les seules attaques d’envergure des groupes terroristes sahéliens étaient concentrées au Niger et au Nigéria durant la seconde moitié d’avril. Cependant, du 3 au 5 mai, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) ont repris leur offensive dans trois pays différents. Le mode opératoire et les objectifs des attaques étaient différents.
Daech reprend les attentats au Burkina Faso
Lundi, dans le district de Foutouri dans l’Est du Burkina Faso, Daech a tué 30 personnes. L’attaque a eu lieu dans la matinée. Des dizaines d’hommes de l’EIAO ont fait irruption dans le village de Kodyel et ont tiré sans distinction. Les civils présents étaient encore chez eux à l’heure de l’attentat. Parmi les morts, une quinzaine font partie de la milice de défense civile, le reste des morts était constitué de soldats.
Outre les morts, une vingtaine de civils ont été blessés. Selon l’AFP, un témoin fait état de plusieurs maisons brulées durant l’attaque. Selon ce témoin, les milices de défense volontaires avaient alerté les autorités depuis plusieurs jours d’une attaque imminente. Et bien que l’armée ait envoyé des renforts, les soldats présents sur les lieux n’étaient pas suffisamment nombreux pour défendre le village. La quasi-totalité des forces armées de Kodyel a été tuée lundi.
Néanmoins, cette attaque survient peu de temps après que trois Européens ont été exécutés dans une embuscade. Cette dernière a été planifiée par un groupe de braconniers, contrairement aux informations présumant l’implication de groupes terroristes. En somme, malgré le retrait des troupes d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) de la région burkinabé, cette dernière n’est toujours pas sécurisée.
Muhammadu Buhari perd le contrôle du Borno
Sur un autre front, les terroristes de l’EIAO ont tué 35 personnes dans l’Etat de Borno, dans le Nord nigérian. Cette attaque a eu lieu mardi. Au Nigéria, les attentats terroristes sont plus fréquents. Le président Muhammadu Buhari avait d’ailleurs demandé le soutien des Etats-Unis. En effet, les groupes terroristes et les milices tuent sans distinction dans toutes les régions du pays. L’insécurité a causé une paralysie des forces armées nigérianes, ne sachant pas quelle menace affronter en priorité.
L’attaque de mardi ressemble à celle de lundi au Burkina Faso. Des combattants de l’EIAO ont effectué un raid sur la ville d’Ajiri et la base militaire voisine. Au total, 11 civils, 5 paramilitaires et 19 soldats ont été tués. La même base avait subi une attaque dimanche. Le groupe terroriste a tué 6 civils et exécuté le commandant de la base d’Aijiri, avant d’emmener les armes et les munitions.
Après cette seconde attaque, les résidents de la ville ont fui les lieux. Ils auraient été accompagnés de ce qui reste de la garnison militaire. La ville et la base ont été entièrement pillées. Le groupe armé a emmené les véhicules et la totalité des provisions avec lui, après l’attaque de mardi. Plus tard dans la soirée, cinq civils sont morts après l’explosion d’une mine terrestre près de la frontière camerounaise, selon Reuters.
L’EIAO du Nigéria s’était séparé de Boko Haram après la grande scission de 2016. C’est justement depuis que Daech tient les rênes d’une partie de Boko Haram, que les attaques au Nord nigérian ont pris un aspect plus brutal. Certains analystes estiment que l’exécution sommaire de Mohamed Yusuf en 2009, par l’armée, a causé la scission et facilité l’alliance avec Daech.
La fin de la paix entre le Mali et al-Qaïda
Un autre groupe terroriste, le GSIM, a publié une vidéo mercredi du journaliste français Olivier Dubois, disparu au Mali depuis le 8 avril. Le groupe d’Iyad Ag Ghali l’avait enlevé. Jusque-là, le GSIM, affilié à al-Qaïda, avait montré des prédispositions à négocier avec les gouvernements du Sahel. Au Burkina Faso, l’offensive d’AQMI qui avait atteint le centre du pays en 2020, s’est arrêtée après un accord avec le gouvernement burkinabé. Et au Niger, AQMI s’est arrêté vers Djado après un arrangement avec la chefferie locale du Nord. Le groupe armé s’est retiré vers le désert libyen depuis.
Au Mali, un cessez-le-feu a été plus difficile à atteindre malgré l’intervention des renseignements algériens en mars. La Katiba Macina, la branche politique d’AQMI, a signé un accord préliminaire dans la région de Niono. Le Haut Conseil islamique malien a conduit les pourparlers. Du 14 mars au 15 avril, AQMI n’a perpétré aucun attentat à Niono, et le centre du pays était devenu praticable pour l’armée malienne et les civils. Toutefois, après le renouvellement de l’accord en avril, une frappe aérienne de l’armée française a tué 26 membres de la Katiba Macina. Le but de l’enlèvement du journaliste aurait pu être de s’assurer de la coopération française avec le nouvel accord de Niono.
Donc, Olivier Dubois sera le premier otage français au monde depuis la libération de Sophie Pétronin en octobre 2020. Cette action du GSIM a un double sens, dans l’état actuel de la menace terroriste du Sahel. Il est possible qu’Amadou Koufa ne puisse plus convaincre Ag Ghali de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement malien depuis l’échec du deuxième accord de Niono. Cependant, il est certain que le bombardement français a relancé les hostilités entre AQMI et le Mali.