Emmanuel Macron s’est rendu au Tchad pour les obsèques du maréchal Déby. Une présence qui a le mérite d’être claire : en rencontrant le Conseil militaire de transition, la France soutient ce que l’opposition qualifie de coup d’Etat militaire.
C’est ce vendredi 23 avril qu’ont lieu les obsèques d’Idriss Déby, à N’Djamena. En ce début d’après-midi, les différentes délégations étrangères sont accueillies par les autorités tchadiennes. Parmi elles, la délégation française. Car Emmanuel Macron, qui n’avait pas participé, la semaine dernière, à l’investiture de Denis Sassou N’Guesso, et avait envoyé un ministre délégué assister à la cérémonie à Brazzaville, a pris part aux obsèques. Il est présent aux côtés d’autres présidents comme le Togolais Faure Gnassingbé, le Guinéen Alpha Condé ou encore le Congolais Félix Tshisekedi.
Alors que d’autres pays, comme le Cameroun ou le Gabon, ont préféré envoyer respectivement sur place leur ministre de la Défense et leur Premier ministre, la présence d’Emmanuel Macron n’est pas anodine : les chefs d’Etat membres du G5 Sahel sont en effet arrivés au Tchad la veille des obsèques. Le président français s’est entretenu avec Mahamat Idriss Déby, le président du Comité militaire de transition (CMT) et désormais nouvel homme fort du Tchad.
Le chef de l’Etat français a ensuite rencontré le Nigérien Mohamed Bazoum, le Malien Bah N’Daw, le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, pour évoquer la transition tchadienne. Le CMT a prévu de diriger le pays pendant 18 mois avant d’organiser des élections.
Emmanuel Macron a forcément évoqué avec le chef du CMT la situation dans la zone des « Trois-Frontières ». Après les rumeurs évoquant le retrait par N’Djamena du retrait des hommes déployés au sein de la force du G5 Sahel, le président français attendait la confirmation de la promesse faite par Idriss Déby d’aider les troupes sur place à lutter contre le terrorisme.
Macron adoube le CMT pour sauver sa stratégie militaire au Sahel
Au-delà de l’aspect sécuritaire, la présence d’Emmanuel Macron envoie un signal fort : alors que les opposants au régime parlent de coup d’Etat militaire, la Constitution du pays ayant été suspendue pour éviter une transition politique, Paris soutient le CMT. Une alliance de circonstance : Macron avait évité de déplorer le nouveau mandat brigué par Idriss Déby au nom de la sacro-sainte alliance au Sahel.
En rendant hommage à Idriss Déby et en se déplaçant pour ses obsèques, Emmanuel Macron soutient donc le régime dictatorial. Pour Emma Cailleau, porte-parole de Survie, le président contredit ses propos sur l’Afrique. « Malgré les effets d’annonce d’Emmanuel Macron pour séduire la jeunesse africaine, le soutien à cette dictature dynastique est la pire preuve de la continuité de la Françafrique. L’Elysée aura beau organiser des pseudo-débats animés par Achille Mbembe, il ne pourra que constater la montée logique d’un sentiment ‘anti-français’ : celui-ci, dans le sens d’un rejet de cette politique cynique, est tout-à-fait légitime », explique-t-elle.
L’équation n’est pas simple. Paris mise sur la stabilité et la lutte contre le terrorisme au Sahel. Et dans cette optique, Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian ne veulent pas s’opposer à la dictature tchadienne. L’ONG Survie y voit un adoubement du nouveau régime — qui n’est que la continuité du précédent — et d’une relation d’intérêts entre la France et le Tchad. « La France compose avec ce coup d’État pour tenter de sauver sa propre stratégie militaire en Afrique », conclut Survie. Car la mort du maréchal a fragilisé l’opération Barkhane. Et Macron avait tout intérêt à se montrer conciliant avec le fils Déby, pour s’assurer de la poursuite du soutien tchadien au G5 Sahel. Quitte à renier ses valeurs.