Au vu de la réticence du Soudan à s’engager pleinement dans le conflit diplomatique entre l’Egypte et l’Ethiopie, c’est le Caire qui multiplie les offrandes à Khartoum. L’Egypte financera donc la construction d’un port maritime frontalier et le sauvetage de la compagnie aérienne soudanaise.
Après une année de diplomatie économique fructueuse, à la hauteur de 862 millions de dollars d’échanges commerciaux entre les deux pays, l’Egypte sort le grand jeu. Le 12 avril, le ministre égyptien des Transports a annoncé que le projet d’un port maritime dans la ville frontalière de Wadi Halfa. Trois jours plus tard, EgyptAir et Sudan Airways ont signé un contrat de collaboration, en vue de sauver la compagnie aérienne soudanaise.
Des présents plus que généreux
Comme on pouvait s’y attendre, l’Egypte et le Soudan ont convenu de la création d’un comité pour la mise en vigueur du port de Wadi Halfa. La ville située entre le Nord soudanais et Assouan en Egypte a été un hub d’échanges commerciaux entre les deux pays pendant des années. La construction du port fluidifiera les échanges et servira les intérêts d’une économie soudanaise qui suffoque sous le poids d’une récession prolongée.
Quant au projet aéronautique, il s’agit d’une aide presque unilatérale d’EgyptAir. Autrement dit, cette dernière s’occupera de la formation du personnel de Sudan Airways. En plus, la planification du réseau et la maintenance de la flotte soudanaise, qui est désormais réduite à 6 avions fonctionnels au mieux, incombera à EgyptAir.
D’ailleurs, cette nouvelle dynamique établit un endettement moral du Soudan envers l’Egypte. Et cette dernière en usera pour aligner le Soudan irrévocablement dans les rangs d’el-Sissi, dans sa querelle avec Abiy Ahmed qui est passée aux menaces depuis trois semaines.
Que veut el-Sissi ?
Ces initiatives arrivent quelques jours après l’échec des pourparlers entre l’Egypte et l’Ethiopie au sujet du conflit du barrage de la renaissance (GERD). L’Egypte a sécurisé une collaboration militaire avec l’Ouganda en marge des discussions. Et maintenant le Caire semble vouloir que Khartoum clarifie sa position dans l’affaire GERD. En effet, jusque là le Soudan cherchait à obtenir un accord pacifique entre toutes les parties prenantes des discussions.
Les négociations avec le gouvernement d’Abiy Ahmed ne semblent cependant pas intéresser el-Sissi. Le président égyptien cherche depuis le début du mois à mettre le plus possible d’alliés de son côté, et à isoler l’Ethiopie. Après l’accord avec les renseignements ougandais et la reprise des relations diplomatiques avec la Turquie et la Libye, le gouvernement égyptien s’est assuré la neutralité de la Russie et des Etats-Unis. En contrepartie, le Soudan fermera les docks de Port-Soudan aux iraniens et aux israéliens. Cette entente garantira le statu quo en Mer Rouge.
Maintenant, c’est au tour du Soudan de prendre parti dans le contentieux égypto-éthiopien, qui a commencé avec des menaces au sujet d’un barrage, et s’annonce progressivement comme un antagonisme plus profond. Al-Burhan s’embourbera-t-il davantage dans cette discorde ?