Des hommes armés ont attaqué l’Université de Greenfield, dans l’État de Kaduna au Nigéria, et enlevé de nombreux étudiants. Cet énième kidnapping souligne un problème plus global, le Nigéria est-il sûr ?
Des « bandits » ont attaqué l’Université de Greenfield au Kaduna nigérian entre la nuit du mardi et la matinée du mercredi. L’heure et même la date varie selon l’agence de presse, la région rurale est très isolée. Entre 12 et 20 étudiants ont été enlevés. Il s’agit du quatrième kidnapping de masse dans l’Etat de Kaduna cette année, et on ne peut plus compter les enlèvements au Nigéria.
La criminalité, généralement, dans le pays au plus grand nombre d’habitants d’Afrique, ne fait que s’aggraver. Entre une insurrection armée au Nord, les enlèvements partout sur le territoire, les meurtres rituels des sociétés cultistes au Sud, les vols à main armée et les attaques contre la police à l’Est, le Nigéria est devenu décidément l’un des pays les plus dangereux d’Afrique.
Les enlèvements, un drame quotidien
Pendant les derniers mois, des groupes armés avaient opéré trois autres enlèvements de masse au Nord du Nigéria. Début décembre, 344 écoliers ont été enlevés à Katsina. Fin février, 317 étudiantes ont été kidnappées à Zamfara. Le 13 mars, 200 étudiants ont été enlevés au Kaduna ; quatre jours plus tard, 39 supplémentaires d’un collège forestier du même Etat.
Après l’attaque de mardi-mercredi, entre 20 étudiants de l’université privée ont disparu, mais en l’absence de registres exacts, le nombre pourrait être supérieur. Dans la matinée de jeudi, cinq étudiants ont été retrouvés dans la forêt avoisinante, ils s’y étaient réfugiés au début de l’attaque.
Les autorités locales ont déclaré qu’un employé de l’université a été tué lors de l’assaut. Selon le directeur de l’université : « Avec la façon dont les choses se passent sur la route Abuja-Kaduna, je ne peux pas m’attendre à ce qu’une université opère dans cette région. », a-t-il affirmé à la presse locale. Le gouverneur de l’État de Kaduna, Nasir Ahmad el-Rufai, a déclaré que son gouvernement ne paierait plus de rançon aux bandits car cela les encourageait.
Les enlèvements contre rançon sont devenus monnaie courante dans de nombreuses régions du Nigéria. Vraisemblablement, les enlèvements massifs d’élèves de leur école sont en train de devenir une norme dans le nord du pays, surtout. Les kidnappings sont souvent médiatisés, ce qui contribue à faire céder les familles et les responsables locaux aux demandes des « bandits ». Entre 2011 et 2020, selon un rapport publié par SBM, les familles des victimes seules ont payé 18 millions de dollars en rançons.
Face à ce phénomène qui touche principalement des civils dans les régions isolées, le président Buhari a déclaré en mars que son gouvernement enverrait des renforts militaires dans le Nord. Cependant, les kidnappings de masse ne sont pas les seules menaces auxquelles le Nigéria est quotidiennement exposé.
La petite corruption et l’incompétence alourdissent le bilan
L’indice mondial du terrorisme (IMT) de 2020 a identifié le Nigéria comme le troisième pays le plus touché par la menace terroriste. Les attaques de Boko Haram sont devenues hebdomadaires au mieux. Selon le spécialiste Timothy Avele, président du conglomérat Agent X, la bureaucratie et la corruption sont en cause pour la pérennité du terrorisme au Nigéria. La chaine de distribution des informations collectées par les services de renseignements est dysfonctionnelle, selon l’académique Ashaolu Oluwadiya. Il soulève le fait que 83% des crimes terroristes commis au Nigéria avaient été anticipés, mais l’information n’a pas été transférée entre les différents services de renseignements.
Une autre statistique effrayante au Nigéria est le nombre d’homicides violents non-organisés. Le Nigeria Security Tracker (NST) a documenté 2769 morts violentes enregistrées en un an, dans l’Etat du Borno seulement. Seules 43% des enquêtes sur ces meurtres ont été élucidées.
Toujours selon Oluwadiya, le professionnalisme de la police nigériane est un facteur important. « La police nigériane n’a pas atteint la majorité. Les agents ne possèdent pas les compétences requises pour sécuriser une scène de crime ou collecter des preuves », a affirmé Oluwadiya. Il a continué : « Quand bien même ils relevaient des empreintes ou détenaient des preuves physiques, le Nigéria ne dispose pas d’une base de données criminelle crédible ».
Certes, la portée et l’efficacité des enquêtes des forces de sécurité nigérianes pourraient être améliorées. Toutefois, la petite corruption engendre l’incompétence chez la police, et le chômage aggrave la criminalité chez la jeunesse nigériane. Ces deux problèmes qu’il faudrait adresser en premier sont pourtant en bas de la liste des priorités de Muhammadu Buhari.