Selon les résultats provisoires de l’élection présidentielle tchadienne, le président Idriss Déby Itno est réélu pour un sixième mandat dès le premier tour avec 79,32 % des voix.
Ce lundi 19 avril, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé la victoire du président sortant Idriss Déby à l’élection présidentielle du Tchad. Les résultats, provisoires, doivent encore être confirmés par la Cour suprême. L’élection du 11 avril s’était passée dans une atmosphère électrique. En effet, les principaux dirigeants de l’opposition ont boycotté l’élection. Ensuite, une armée rebelle a attaqué le Nord tchadien le jour même du scrutin, au moment où le dépouillement des bulletins de vote débutait.
L’opposition laminée
Un taux de participation de 64,81 % a été enregistré par le CENI. L’ancien Premier ministre, Albert Pahimi Padacké, est arrivé deuxième avec 10,32 % des voix. Lydie Beassemda, du Parti pour la démocratie et l’indépendance intégrales (PID), a obtenu 3,16 % des suffrages.
Le maréchal président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, devait prononcer un discours de victoire. Cependant, son directeur de campagne a déclaré qu’il rendait visite aux troupes armées combattant les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), au nord du pays.
Le groupe armé était installé dans le sud libyen depuis des années. Dans la soirée du 11 avril, les troupes du FACT ont traversé la frontière par centaines et pris de court les unités militaires du Zouarké et de Zouar. Des dizaines de pertes ont été enregistrées des deux côtés. Une guerre médiatique a entouré ce conflit qui en est désormais à son neuvième jour, les communiqués de victoire se sont succédé, côté rebelle comme côté gouvernement.
La France, alliée militaire de Déby, a tenté une intervention militaire le mardi 12 avril, mais les avions des forces Barkhane ont été rappelés. Le retour des forces françaises a été provoqué par l’intervention des députés français qui avaient contesté toute ingérence sur le territoire souverain du Tchad.
Françafrique, deux poids, deux mesures
Déby avait battu campagne sur une promesse de sécurité dans le pays et la région. Il s’était allié militairement à la France dans le cadre de la coalition des armées des pays du G5 Sahel et des forces de l’opération Barkhane. Lors du dernier Sommet du G5 Sahel, le président tchadien avait pris l’engagement de mettre plus de 1200 soldats au service des forces antiterroristes dans le Sahel.
Cet engagement, ainsi qu’un rapprochement progressif entre les intérêts français et tchadiens depuis des années, a fait d’Idriss Déby un partenaire de premier plan pour Paris et ses alliés militaires au Sahel. En contrepartie, le Tchad a vu sa dette européenne rééchelonnée à plusieurs reprises. De plus, l’armée tchadienne a reçu un soutien inconditionnel de la part de l’Europe et des Etats-Unis.
Ce support s’est traduit politiquement en un traitement privilégié du régime d’Idriss Déby. Au niveau médiatique, la presse publique occidentale remet rarement en cause les multiples accusations de corruption et de brutalité envers le président tchadien. La presse française, en particulier, met souvent en évidence les projets du gouvernement de Déby et détourne le regard lorsqu’il s’agit d’oppression de l’opposition ou de censure de la presse nationale tchadienne.
Néanmoins, la France a défendu Déby depuis plus de la moitié de sa très longue présidence. Et même si cela s’avère de plus en plus délicat au fil des ans, le Tchad reste une pièce maitresse pour les intérêts français dans la région.
Pourtant, en 2006 et en 2008, l’armée tchadienne avait réprimé des manifestations de l’opposition, faisant des milliers de morts. Huit chefs de l’opposition tchadienne ont été tués durant les dix dernières années. Deux potentiels candidats fédérateurs de l’opposition ont été emprisonnés en 2020 et 2021. Clairement, Déby n’est pas au-dessus des suspicions, mais rien n’y fait, la France n’a pas changé de position face à toute cette violence.
Enfin, ce sixième mandat de Déby commence mal, avec une rébellion armée qui semble se rapprocher progressivement de la capitale N’djamena, une opposition qui fait front contre le président et des tensions socio-économiques qui excèdent le peuple tchadien depuis plus de trois décennies.