L’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo a été définitivement acquitté par la Cour pénale internationale. Il pourrait donc revenir dans les prochaines semaines à Abidjan.
C’est la fin d’un feuilleton qui dure depuis le 11 avril 2011. Arrêté par les forces d’Alassane Ouattara il y a dix ans, Laurent Gbagbo avait été incarcéré huit mois plus tard auprès de la Cour pénale internationale à La Haye, accusé de crimes contre l’humanité. Une inculpation qui avait fait couler beaucoup d’encre. Amnesty International estimait que « tous les responsables présumés de ces crimes graves, dont les sympathisants du président en exercice Alassane Ouattara, doivent être amenés à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables ». L’ONG ne comprenait pas pourquoi seuls Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé étaient inquiétés.
En janvier 2019, après un combat judiciaire long et sinueux, les deux ex-dirigeants politiques ivoiriens avaient été acquittés en première instance. Laurent Gbagbo, interdit de quitter le sol belge, où il se trouvait, avait émis le souhait de revenir en Côte d’Ivoire. L’ancien président de la République avait dû attendre mai 2020 pour que la CPI lève ses contraintes de liberté conditionnelle. Gbagbo avait alors récupéré son passeport, mais pas à temps pour revenir à Abidjan au lendemain d’une présidentielle très contestée. D’autant que le président actuel n’avait pas forcément envie de voir revenir son ex-rival…
Un camouflet pour Fatou Bensouda et la CPI
Ce mercredi 31 mars 2021, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont totalement libres après que la chambre d’appel de la CPI a confirmé leur acquittement. Plus aucune accusation de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité durant la crise post-électorale de 2011 ne pèse sur eux.
Un désaveu pour la procureure Fatou Bensouda, qui doit quitter ses fonctions sur un échec. C’est elle qui avait fait appel en septembre 2019. Mais la « faiblesse exceptionnelle » du dossier, selon les mots du président de la chambre, a eu raison de la Gambienne, qui sort de la CPI la tête basse.
« Dix ans presque jour pour jour après le début de cette procédure, cette décision est la victoire de la justice, mais aussi la victoire d’un homme, celle du président Laurent Gbagbo, injustement accusé et qui voit aujourd’hui son innocence pleinement reconnue », a simplement annoncé l’avocat de Laurent Gbagbo, Me Emmanuel Altit.
Vers un retour en héros national
Pour le conseil de Gbagbo, « cette décision va dans le sens de la réconciliation nationale ». Un appel à peine masqué au pouvoir ivoirien, qui a freiné des quatre fers quand il s’agissait d’évoquer le retour de l’ancien président dans son pays. En février dernier, le ministre ivoirien de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin, avait promis de rencontrer Laurent Gabgbo pour parler avec lui de son potentiel retour à Abidjan.
Il reste désormais quelques détails à régler. Si Gbagbo peut désormais voyager librement, il est toujours condamné à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire. Et Alassane Ouattara a annoncé en octobre qu’il « ne compte pas l’amnistier ». Cependant, le chef de l’Etat promet de « prendre une décision qui facilite son retour ».
Un deal est-il sur le point d’être trouvé entre le président et son prédécesseur ? Alassane Ouattara a d’ores et déjà demandé à Laurent Gbagbo, par presse interposée, de se poser en « sage » et « de vivre une vie normale ». Autrement dit, de ne pas s’engager à nouveau en politique.
Le pouvoir ivoirien a en tout cas toujours promis d’accélérer la procédure de retour de Gbagbo à Abidjan dès l’obtention de la décision finale de la CPI. C’est désormais chose faite. Alassane Ouattara, qui espérait avoir un peu plus de temps, va donc devoir engager les démarches pour un retour rapide de celui que tout un pays attend. Et pour le président ivoirien, cette opération est risquée. Car avec la popularité dont jouit Laurent Gbagbo, Ouattara sortira forcément affaibli par le retour au bercail de celui qui fait désormais office de héros national.