Deux jours après le lancement d’un satellite 100 % local, la Tunisie rêve d’une agence nationale de l’espace. Un projet ambitieux ou insensé ?
Le 22 mars dernier, la Tunisie créait l’événement en lançant son satellite dans l’espace, destiné à l’internet des objets. Le petit pays est le premier du Maghreb et le sixième d’Afrique à fabriquer son propre satellite. Car c’est bien là la spécificité de « Challenge One » : il s’agit d’un satellite 100 % tunisien. Celui-ci a été construit par une équipe de TelNet, un groupe de télécommunications national. Les ingénieurs ont, pour la plupart, été formés dans le pays. Seul élément non tunisien : le lieu du décollage. C’est de Baïkonour, au Kazakhstan, qu’a décollé la fusée.
L’occasion pour le président Kaïs Saïed, dont le pays traverse actuellement une crise à la fois politique et sociale, de vivre un moment plus positif. Cette crise, justement, a légèrement occulté le lancement du satellite, déjà marqué par des conditions météorologiques mauvaises qui ont provoqué un décalage de la date de lancement initialement prévue le 20 mars, jour de fête nationale en Tunisie.
30 satellites tunisiens en 2023 ?
« Challenge One » doit permettre de récolter en temps réel des données d’appareils connectés, comme les thermomètres, les capteurs de pollution, les puces de localisation ou encore les senseurs d’humidité. Au-delà de la performance technologique, qui doit permettre de rendre certains secteurs — agriculture, télécommunications, transports, etc. — plus performants, il place la Tunisie en bonne position dans la course à l’aérospatiale en Afrique.
Cité par Jeune Afrique, un ingénieur du pôle technologique d’El Ghazela à Tunis explique que l’enthousiasme constaté après le lancement du satellite est un peu trop démesuré. « Il n’y a franchement pas lieu de pavoiser et de parler de grande réalisation nationale. Ce type d’ouvrage est régulièrement lancé par les universités américaines », prévient-il.
Certes, mais il fallait déjà le faire. Le patron de TelNet Holding, Mohamed Frikha, a des ambitions pour la Tunisie. Il rêve de gérer une flotte d’une trentaine de satellites dans les deux ans à venir. Il en appelle à la création d’une « agence nationale de l’espace ». Mais attention de ne pas se brûler les ailes : Frikha, ancien député et candidat malheureux à la présidentielle, avait déjà tenté de révolutionner le secteur des compagnies aériennes tunisiennes en lançant Syphax. La société avait fait faillite en 2013 et son fondateur avait dû vendre ses parts de TelNet pour se renflouer.