Un carrefour entre trois continents et une proximité « enviable » avec des zones de conflit autant qu’avec des régions pétrolifères en Afrique… Djibouti, pays des braves, est une nation qui a toujours suscité la convoitise des puissances mondiales.
La dernière en date, la Chine, a profité de l’échéance imminente de la dette djiboutienne pour négocier une mainmise que le gouvernement djiboutien regrette sans doute maintenant.
La Chine, un partenaire inévitable
Depuis l’indépendance de Djibouti en 1977, le pays s’est projeté de conflit en conflit : Une dictature à partir de 1981, une guerre en 1991, un coup militaire en 1994 etc…
L’instabilité politique a laissé l’économie de Djibouti à plat ventre devant les puissances mondiales. Ces dernières ont toujours entretenu un intérêt particulier d’y installer une présence militaire. Depuis 2016 seulement, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon, la Chine y ont établi des bases militaires.
La Chine, cependant, ne s’est pas contentée d’avoir une base militaire de 1700 hommes, elle voulait d’autres vecteurs de pression sur le gouvernement d’Ismaïl Omar Guelleh. En mars 2016, plus d’une trentaine d’entreprises chinoises avaient déjà construit des installations sur 240 hectares des 48 kilomètres carrés prévus pour la Djibouti Free Trade Zone, une zone de libre échange où le drapeau chinois flotte partout.
Pourtant, la DIFTZ est à la base le résultat d’investissements purement africains et étatiques : L’Ethiopie, le Rwanda, la Somalie, le Soudan y ont investi pas mal de sous et de capital diplomatique.
La partie de la zone promise à l’Autorité djiboutienne (60%), elle, se fait petit à petit racheter par des entreprises chinoises du CMG, déjà propriétaires de 30% du hub. L’avantage du contrôle économique chinois est l’argument de la dette, qui dépasse en 2020 plus de 70% du PIB djiboutien.
Le dragon, l’aigle et le coq
En ce qui concerne la présence militaire étrangère à Djibouti, elle n’a pas encore atteint le monopole chinois. La France a 1572 militaires déployés au Djibouti et les Etats-Unis 2100 hommes en plus des forces opérationnelles dans le cadre de deux bases permanentes en Afrique (l’unique base permanente dans le cas des Etats-Unis.
La garnison chinoise de la base navale à Djibouti vient de dépasser la présence française, mais elle promet que sa présence militaire atteindra 10.000 hommes et des capacités logistiques supérieures à ce que les Etats-Unis et la France peuvent se permettre dans la région.
Les djiboutiens peuvent bien être agacés, mais ils n’ont que le choix de louer le terrain pour l’armée chinoise en échange d’une déduction de la dette. Le problème est que Pékin n’hésite pas à se comporter hautainement envers Djibouti, le président Xi Jinping a maintes fois utilisé les canaux officiels pour exprimer son mécontentement des problèmes sécuritaires et administratifs à Djibouti.
Ce n’est pas ainsi qu’on traite un allié. Après le message de mécontentement de l’ambassadeur chinois à la présidence djiboutienne. Ismaïl Omar Guelleh est parti pousser son coup de gueule à Paris, et a promis aux Emirats arabes unis ainsi qu’à l’Inde une part de la DIFTZ, ce qui a évidemment causé une escalade de la rhétorique chinoise.
Au milieu de ce paradigme, les américains restent de marbre, ils savent que leur expertise dans la confrontation avec les pirates de la Corne de l’Afrique et les groupes terroristes de l’est africain est incontournables pour toutes les parties intéressées. Si on y rajoute le fait que les Etats-Unis ont déjà leur hub(s) économique(s) à l’ouest du golfe persique, et que leurs intérêts militaires immédiats (surtout avec le nouveau gouvernement) se situent au Moyen-Orient, les Etats-Unis ne risquent pas de médier le différent djiboutien-chinois.
Donc peu importe si le ministre djiboutien des Affaires étrangères crie aux « relations économiques privilégiées avec la France », il semblerait que Pékin ne respecte que la force, ce qui s’aligne avec sa plateforme diplomatique immuable depuis des dizaines d’années.
La France, quant à elle, a fait l’erreur de penser que l’entrisme politique et militaire remplirait les vides laissés par le départ de Total et Colas de Djibouti (2014). La Chine est trop investie dans la petite nation africaine pour que les vestiges de la colonisation puissent peser dans la balance.