Le gouvernement mauritanien vient d’annoncer une « grande concertation nationale » sur l’esclavage. Malgré son abolition et sa criminalisation, cette pratique existe toujours aujourd’hui. Site de vente en ligne en tunisie
Il a beau être aboli, l’esclavage en Mauritanie reste une réalité. Les textes sont pourtant clairs : la loi du 12 août 2015 considère en effet les « actes de capture, d’acquisition ou de cession d’un individu en vue de le réduire en esclavage », la vente ou l’échange ou encore le travail forcé comme des « crimes contre l’humanité ». Les esclavagistes risquent des peines de 10 à 20 ans de prison.
Une criminalisation qui a suivi la décision du 9 novembre 1981, date à laquelle le président Mohamed Khouna Ould Haidalla abolissait l’esclavage.
Les années ont passé, depuis l’abrogation de la loi, est rien n’y fait : la question de l’esclavage, mais aussi de ses séquelles, continue de diviser la société mauritanienne. Un mouvement est même né de cette question… L’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) compte d’ailleurs un de ses partisans à l’Assemblée nationale, Biram Dah Dah Abeid.
Esclavage en Afrique : 4 à 20 % de la population encore asservie
Issu de la caste des Haratins, des Maures noirs descendants d’esclaves, Biram Dah Dah Abeid a 18 ans lorsqu’il assiste à une scène de violence contre un esclave. En 2008, il fonde l’IRA qui a pour objectif de mettre fin à cette pratique. A l’Assemblée nationale, le militant peut compter sur le soutien de Coumba Dada Kane, qui estime que la Mauritanie est « l’un des derniers pays négriers sur notre planète ». Site de vente en ligne en tunisie
Pourtant, en 2015, une loi a effectivement permis de criminaliser l’esclavage. Un an auparavant, on estimait que 4 % des Mauritaniens étaient asservis, soit environ 150 000 habitants. D’autres associations relèvent ces estimations à 20 % de la population. Viols, humiliations, interdiction de se marier ou d’aller à l’école… Les maîtres avaient quasiment droit de vie et de mort sur leurs esclaves.
Est-ce que la loi de 2015 a permis de changer les choses ? Pas vraiment, à en croire les militants abolitionnistes. Des ONG estiment que des esclaves affranchis restent toujours assujettis à leurs anciens maîtres. L’esclavagisme moderne a quelque chose de pernicieux : il n’est plus question de chaînes aujourd’hui, mais de servitude morale.
Un manque d’engagement politique
Pour Amnesty International, il n’existe aucune volonté politique de la part des autorités mauritaniennes pour abolir l’esclavage. « Le gouvernement continue de nier l’existence de l’esclavage alors que des milliers de personnes en sont encore victimes », déplorait en 2018 l’ONG. Quarante ans après l’abolition, le problème persiste et la pratique serait même tolérée par les autorités politiques du pays, à en croire Amnesty, qui rappelle que des militants abolitionnistes avaient été arrêtés et torturés, comme en avril 2017, lors d’une marche organisée à Nouakchott.
En juin 2017, une plainte a été déposée aux Nations unies et à l’Union africaine par des avocats. William Bourdon, avocat français de l’IRA, avait alors estimé qu’« il n’y a aucune volonté des autorités mauritaniennes de mettre fin à l’esclavage dans le pays ».
Depuis, les relations entre l’IRA et la présidence de la République se sont arrangées. L’arrivée de Mohamed Ould Ghazouani au pouvoir n’y est pas étrangère. Pour Biram Dah Dah Abeid, qui critiquait la position de l’ex-président Mohamed Ould Abdelaziz sur ce sujet, le chef de l’Etat actuel fait preuve de « beaucoup de modération et de pondération ».
La Mauritanie a d’ailleurs décidé d’ouvrir une « grande concertation nationale », dont l’un des thèmes principaux sera l’esclavage. Cette concertation, indique le Premier ministre, « devra s’inscrire dans le cadre du renforcement de la cohésion sociale, et l’accélération du rythme du travail engagé en matière de lutte contre les séquelles de l’esclavage ». Lors de la campagne présidentielle, Mohamed Ould Ghazouani avait promis un dialogue à propos de ce sujet qui divise la société.
Jamais une discussion de fonds sur l’esclavage n’a été ouverte en Mauritanie, malgré des modifications législatives. Cette concertation nationale devra déboucher sur des mesures concrètes. En attendant, l’annonce de ces discussions est un message envoyé aux abolitionnistes. De quoi apaiser les tensions en attendant le lancement de la concertation.