Après avoir accusé un retard en Afrique, L’Oréal tente de s’implanter en Afrique. Le groupe a cependant eu du mal à trouver comment séduire les consommatrices et consommateurs subsahariens.
En juin 2020, après la mort de George Floyd et la résurgence du mouvement Black Lives Matter, L’Oréal prenait une décision historique en retirant les mots « blanchissant » et « clair » de tous ses produits destinés à uniformiser la peau. Le géant des cosmétiques se disait alors « engagé à célébrer tous les tons de peau ». L’accusation de racisme aurait pu coûter cher à l’entreprise anglo-néerlandaise. D’autant que cette dernière, depuis plusieurs années, tente de s’imposer en Afrique.
En 2014, le groupe, numéro un mondial des cosmétiques, affirmait vouloir être le « premier groupe de beauté en Afrique subsaharienne ». Le continent, « à fort potentiel » selon le directeur général de la zone Afrique Moyen-Orient de l’époque, pourrait enregistrer une croissance deux fois plus rapide que dans le reste du monde. Il y a six ans, les patrons de L’Oréal avaient donc « bien l’intention de devenir le leader un jour », en Afrique.
L’émergence d’une classe moyenne
Et pour ce faire, L’Oréal voulait s’appuyer sur une classe moyenne naissante. « Si l’on se réfère à la classe moyenne émergente, le marché de la beauté africaine tourne autour de 100 millions de consommateurs à la moyenne d’âge de 24 ans », estimait en 2018 Geoff Skingsley, ex-vice-président de la zone Afrique Moyen-Orient pour L’Oréal. La stratégie du géant européen ? Investir au maximum dans les marques locales. En 2016, le groupe a également lancé son propre centre de recherche et d’innovation sur les cheveux africains et les peaux noires, en Afrique du Sud. Enfin, L’Oréal comptait sur une stratégie digitale performante et l’e-commerce pour devenir incontournable.
Un pari incertain, dont les résultats ont été très mitigés. En 2019, l’Afrique n’a représenté que 2,5 % du chiffre d’affaires de L’Oréal. De quoi provoquer un réajustement de la stratégie du groupe.
Avec un millier de collaborateurs répartis dans quatre filiales africaines —Afrique du Sud, Kenya, Ghana et Côte d’Ivoire —, L’Oréal continue d’exporter ses produits de la France vers une vingtaine de pays africains, comme l’explique Virginie Dias-Tagnon, directrice Talents de L’Oréal en Afrique subsaharienne. Avec seulement trois sites de production sur le continent, le groupe européen ne semble pas avoir pris la mesure du marché qui s’offre à lui. Ni des spécificités de la sous-région ouest-africaine.
S’adapter aux spécificités locales
L’Oréal, pour s’imposer, doit donc revoir sa stratégie de A à Z. « Il est important de répondre aux attentes de tous les consommateurs et de leur apporter l’offre la plus complète, continue Virginie Dias-Tagnon dans une interview à La Tribune. C’est le principe d’universalisation qui consiste à proposer aux consommateurs du monde une offre globale tout en s’adaptant aux spécificités locales ».
L’Oréal a, certes, mis la main sur le marché du cheveu, avec le rachat de Dark & Lovely. Et si l’entreprise a, « de manière graduelle, pris des parts de marché à (ses) compétiteurs », L’Oréal semble en retard quant à ses ambitions affichées quatre ans plus tôt. Il faut dire que, après s’être concentré sur la Chine et le Brésil, le groupe a mis du temps à s’intéresser à l’Afrique. D’autres concurrents bénéficient de la « prime à l’ancienneté », et L’Oréal a donc dû mettre les bouchées doubles. Quitte à, pour une fois, être considéré comme un outsider du marché de la beauté.