Les grandes marches hebdomadaires du Hirak en Algérie ont connu un record d’interpellations cette semaine. A Alger, la capitale, plus de 800 personnes ont été arrêtées, plus de policiers ont empli les rues que de manifestants.
« Alger la blanche est devenue bleue ! », c’est ainsi qu’un manifestant algérois du Hirak a qualifié la journée du vendredi. Le mouvement pacifique qui consiste à organiser des marches de protestation hebdomadaires tous les vendredis, connait une répression inédite cette semaine. Après que les marches d’étudiants, et celles des fonctionnaires publics, aient été interdites la semaine dernière. Ce vendredi, un déploiement policier dans neuf régions du pays a dissuadé beaucoup de personnes de participer aux marches. Dans la capitale, l’atmosphère a été plus morose. Surtout après qu’une intervention policière de grande échelle a commencé à arrêter les manifestants pêle-mêle.
Algérie. Aujourd'hui des dizaines de citoyenEs pacifiques (près de 80) comparaitront devant les tribunaux dans plusieurs wilayas, poursuivis pour avoir exercés leurs droits légitimes et garantis par la loi. Toute ma solidarité. Mes hommages aux avocats.#StandUp4HumanRights
— said SALHI (@saidsalhi527) May 23, 2021
Un record d’arrestations, sans explication
Bilan du vendredi 21 mai et du samedi 22 mai : 800 arrestations à Alger seulement. Plus de 70 ont déjà été traités par les procureurs, dont 23 mineurs et une dizaine de femmes. Ces actions draconiennes seraient expliquées par l’approche des élections législatives anticipées du 12 juin. Lorsque les charges imputées aux mis en examen commenceront à fuiter, il se pourrait que certaines soient en relation directe avec la classification du mouvement kabyle MAK et du parti islamiste Rachad comme « organisations terroristes ».
Rappelons que le mouvement du Hirak avait appelé à boycotter l’élection du successeur de Bouteflika en 2019. Face à ce tollé, le président Abdelmadjid Tebboune a organisé un référendum constitutionnel en novembre 2020. Les modifications ont été adoptées, mais avec un taux de participation lamentable de 27%.
Les autorités ont donc intensifié leurs efforts dans la répression des protestations. Selon Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), 800 personnes ont été interpellées. Selon ses analyses, un autre parti, le Parti Socialiste des Travailleurs (PST), serait aussi menacé de dissolution. Saïd Salhi a tweeté ce matin : « Des dizaines de citoyens comparaitront devant les tribunaux. On les poursuit pour avoir exercé leurs droits légitimes », lit-on.
Algérie 🇩🇿 21/5/2021: Tizi ouzou le 118 vendredi du hirak (révolution pacifique du peuple algérien) pic.twitter.com/PsDtmxRcGT
— NEF Freedom (@lejuste2019) May 21, 2021
Le HCS filtre les partis politiques du Hirak sans mandat
L’Algérie est sous le contrôle total du Haut conseil de sécurité (HCS) depuis deux décennies. Il est de notoriété publique que l’état-major algérien tient tous les organes de l’Etat depuis la démission du président Bendjedid en 1992. Son rôle d’instance consultative pour la sécurité nationale est officiel depuis 1976. Cependant, le HCS n’a été au premier plan qu’à la fin de la « décennie noire » en Algérie en 2002.
Depuis, le rôle politique de plus en plus officieux du HCS est prépondérant. En 2019, le président Tebboune a décrété la responsabilité du HCS de la sûreté de l’Etat. Toutefois, ce rôle exécutif ne concernerait que la sécurité des frontières. En effet, l’Algérie est entourée par un Maroc hostile, une Tunisie où sévissent les groupes terroristes et les renseignements occidentaux, une Libye qui était alors en guerre, et au Sud, le Mali connait la menace terroriste et l’insurrection armée dans sa partie Est.
Néanmoins, le HCS utilise son mandat au-delà des prédispositions, depuis le début du Hirak, les réunions avec le chef d’Etat concernaient surtout les affaires internes. La réunion du 18 mai 2021 a engendré une surprise de taille. Le HCS a accusé le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et le parti islamiste Rachad d’être des groupes terroristes. Le président les a donc classés comme tels. Légalement, cette décision n’est officielle qu’à sa parution au Journal Officiel. Qui coïncide, justement, avec les marches du Hirak du vendredi.
L’algerie n’est plus un etat civil mais bel et bien un état militaire ! @TebbouneAmadjid est une marionnette https://t.co/Z5kDPR6lMm
— Yen3al bou Loua3d ينعل بو الوعد (@samyr69) May 21, 2021