A deux jours des élections générales zambiennes, le climat politique est électrique. Le chef de l’Etat sortant Edgar Lungu sera opposé, lors de la présidentielle, au chef de l’opposition Hakainde Hichilema.
En Zambie, l’histoire se répète. Pour la troisième fois de leur histoire, le chef du Parti unifié pour le développement national (UPND), Hakainde Hichilema, et le chef de l’Etat, candidat du Front patriotique (PF), Edgar Lungu, s’affronteront dans les urnes. En Zambie, ce 12 août, seize candidats se présentent à l’élection présidentielle alors que, dans le même temps, auront lieu les législatives et les municipales. Mais le duel Lungu-Hichilema est sans aucun doute l’attraction de la journée.
Au cours de ses six années à la tête du pays, Edgar Lungu a eu bien du mal à faire progresser une économie qui a souffert d’une démographie importante. Si bien que l’année dernière, le deuxième producteur de cuivre d’Afrique a connu sa première récession depuis 1998. L’inflation est à son plus haut niveau depuis dix-neuf ans. En juillet, les prix des denrées alimentaires étaient près d’un tiers plus élevés qu’un an auparavant.
Affaibli par ce bilan mitigé, Lungu voit l’opposition plus motivée que jamais. Mais d’ores et déjà, les observateurs craignent des manipulations, d’un côté et de l’autre. Selon la directrice de l’ONG Alliance for Community Action (ACA), Laura Miti, « l’économie déterminera comment les gens voteront, mais elle ne déterminera peut-être pas le résultat ». En marge de la campagne électorale timide de l’UPND et du PF, la situation inquiète.
En effet, après une salve de violences pré-électorales meurtrières entre les militants des deux partis, Edgar Lungu a décidé de déployer l’armée le 1er août dernier. Et ce, pour la première fois dans l’histoire du pays. Pour l’opposition et la société civile, on pourrait assister, ces prochaines heures, à des élections truquées. Un sombre constat pour la Zambie, qui fut autrefois un des pays précurseurs de la démocratie africaine.
Un bilan économique désastreux
Edgar Lungu a profité de l’inflation pour multiplier les mesures populaires depuis plusieurs mois. En 2020, l’Etat a décuplé ses subventions pour les semences et les engrais. Une opération séduction envers les agriculteurs. En mai 2021, Edgar Lungu a accordé des subventions encore plus importantes avant de promettre, en juillet, de « restructurer les dettes personnelles des fonctionnaires » et de transférer ces dettes à un créancier appartenant à l’Etat.
Des décisions jugées populistes par l’opposition, tant l’économie du pays est moribonde. En novembre 2020, le gouvernement a fait défaut sur sa dette, faisant de la Zambie le premier pays africain à ne pas payer son dû pendant la pandémie. La faute à la Covid-19 ? A en croire les événements passés, plutôt à une mauvaise gestion. Déjà entre 2015 et 2020, la dette publique est passée de 34 % du PIB à 110 %. Et bien que la Chine ait construit des routes, une grande partie des recettes de l’Etat a été gaspillée. L’inflation annuelle est de 25 %, elle oblige 40 % des Zambiens à réduire leur consommation. Certains Zambiens de la classe moyenne envisagent de fuir en Afrique du Sud.
Le FMI fait pression sur Edgar Lungu
Cela montre toute l’importance du scrutin du 12 août. Les Zambiens donneront-ils une seconde chance à Edgar Lungu ? En 1991 et en 2011, l’inflation était aussi à la hausse et les Zambiens avaient voté contre le président sortant. Du côté du PF, on affirme que le président a préféré la crise économique à l’endettement. En effet, Lungu a longtemps évité de devoir mettre en place un programme dicté par le FMI. Malgré tout, la fonction publique pèse sur l’économie du pays et les investisseurs privés se font rares en Zambie.
Le FMI prévoit une année 2021 noire. La Zambie pourrait être à la traine au niveau continental avec un PIB qui ne devrait croître que de 0,6 % après une contraction de 3,5 % l’année dernière. Un contexte que le favori de l’opposition, Hakainde Hichilema, cherche à exploiter. En effet, l’homme d’affaires et chef de l’UPND promet de réprimer la corruption et d’emprunter au FMI en cas de victoire. Il promet aussi de regagner la confiance des investisseurs étrangers rebutés par, selon lui, « les politiques punitives de Lungu ». Depuis 2015, Lungu a, en effet, lourdement taxé les investisseurs étrangers.
L’Etat a aussi saisi beaucoup de mines de cuivre. La source du miracle zambien des années 2000 est, depuis, au point mort. Entre Hakainde Hichilema et Edgar Lungu, le duel de mots a été terribles. Les deux hommes divisent : les populations les plus riches du pays se rangent du côté de l’opposition. Quant aux populations apolitiques, comme le montre la campagne électorale, il règne comme un air de résignation. Un ras-le-bol politique qui ne profitera à personne. Si ce n’est aux candidats qui tenteront de rafler la victoire avant même l’annonce des résultats.
En 2015, Hakainde Hichilema n’avait pas accepté les résultat du scrutin, qui plaçaient Lungu vainqueur à 48,3 % contre 46,7 % pour lui. Hichilema avait même été arrêté en 2017, accusé de vouloir renverser le gouvernement. Relâché après quatre mois, il reste déterminé. Mais le déploiement des militaires 10 jours avant les élections pourrait changer la donne. Les ONG craignent des violences, pendant ou après les élections. D’autant que ni l’Union africaine, ni la SADC ou les alliés de la Zambie n’ont voulu envoyer des observateurs pour s’assurer du bon déroulement des élections de jeudi.