Malgré les promesses des présidents ivoiriens successifs, le village natal de Félix Houphouët-Boigny, Yamoussoukro, n’est pas la capitale espérée par le Père de la nation ivoirienne. Histoire d’un échec.
C’était l’une des promesses d’Alassane Ouattara lors de la campagne présidentielle ivoirienne de 2010. Le président avait en effet assuré qu’il irait s’installer à Yamoussoukro et qu’il procèderait ainsi « au transfert effectif de la capitale ». Dix ans plus tard, le même Ouattara s’excusait : « Malheureusement, l’état de délabrement dans lequel nous avons trouvé le pays ne nous a pas permis d’honorer cet engagement ».
Comme avant lui Laurent Gbagbo, le transfert de la capitale par Ouattara fut un échec. Mais le président ivoirien, qui briguait alors un nouveau mandat, assurait à ses électeurs qu’il était « fermement engagé à faire de Yamoussoukro, notre capitale politique, une ville moderne et modèle ».
Yamoussoukro sacrifiée sur l’autel des problèmes économiques
Depuis 1983, le transfert de la capitale ivoirienne patine. En mars de cette année-là, l’Assemblée nationale adopte, comme le souhaite Félix Houphouët-Boigny, le projet de loi relatif au transfert de la capitale de la Côte-d’Ivoire, Abidjan, à Yamoussoukro. Le village natal du président Houphouët-Boigny, considéré comme le Père de la nation, est situé à 250 kilomètres au nord-ouest d’Abidjan.
Il faut finalement attendre cinq ans pour que soit lancé plus concrètement le projet. La construction de l’Hôtel des députés démarre, celui-ci sera livré en 2006. Un architecte, Pierre Fakhoury, est chargé de faire fleurir un Yamoussoukro moderne. Un palais de la présidence doit également voir le jour.
Malgré la création d’un aéroport international, de l’Hôtel des députés ou encore du palais présidentiel, Yamoussoukro attend aujourd’hui toujours son heure. La faute, notamment, à des projets encore inachevés. La faute, selon le secrétaire général de la Fondation Félix Houphouët-Boigny, à la conjoncture économique. A Yamoussoukro, Houphouët-Boigny « a voulu une ville à la mesure d’un pays moderne. Le projet aurait requis une génération. Malheureusement, ce dessein a été trahi par la baisse des prix du cacao. Gbagbo a essayé de continuer, Ouattara a arrêté par manque d’argent », explique-t-il.
Désormais un simple argument de campagne
Certes, avant l’arrivée d’Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo tentera de tenir se parole. Le président d’alors y recevra le 12e sommet du « Groupe des 77 plus la Chine » en 2008 ou encore la réunion des chefs d’Etat du Conseil de l’entente un an plus tard. Gbagbo organisera également à Yamoussoukro des rencontres avec des homologues, comme le Burkinabè Blaise Compaoré ou Ali Bongo Ondimba, le président du Gabon.
Mais au final, l’événement le plus important qui se déroulera dans le village sera l’enterrement de Félix Houphouët-Boigny. Comme un symbole d’échec. Aujourd’hui, les habitants de Yamoussoukro se sentent abandonnés. Ils ne croient plus aux promesses présidentielles. Près de 40 ans après avoir voulu faire du village natal d’Houphouët-Boigny une capitale futuriste et moderne, la Côte d’Ivoire ne semble pas prête à délaisser Abidjan. Et Yamoussoukro, à la manière du « houphouëtisme », n’est plus qu’un argument de campagne qui, tous les cinq ans, revient au cœur des débats.