Né au Kenya et ayant fait une partie de sa carrière en Afrique du Sud, Froome va désormais courir au Tour de France pour une équipe israélienne.
Christopher Froome est sans aucun doute le coureur cycliste européen le plus africain : né au Nairobi, le sportif s’était installé à Johannesburg. C’est à l’adolescence que le jeune garçon part du Kenya, où ses parents divorcent. Direction Bloemfontein, en Afrique du Sud, avant de se rendre à Johannesburg pour ses études. Si sa mère est née au Kenya, Froome a ses deux parents de nationalité britannique. Mais son pays reste avant tout celui des traditions harambees. Si bien qu’il participera aux Jeux du Commonwealth et aux Championnats du monde espoirs de cyclisme pour le compte du Kenya.
C’est pourtant en Afrique du Sud qu’il va réellement découvrir le cyclisme professionnel. Avant de poursuivre sa carrière professionnelle sur le Vieux-Continent. Alors qu’il a le choix entre son pays de cœur et le pays d’origine de ses parents, il finira par opter pour la nationalité britannique. Du Kenya, il lui reste les nombreux bracelets et colliers qu’il arbore fièrement sur sa machine. De l’Afrique du Sud, il aura gardé sa hargne et son courge.
Car du côté de Johannesburg, le cyclisme n’est, à l’époque, pas encore aussi scientifique qu’en Europe. A son arrivée chez Sky, ses équipiers se souviennent d’un Froome va-t-en guerre mais sans réelle technique. « Quand Chris a commencé à montrer des aptitudes sur le vélo, il n’y avait rien de technologique dans le cyclisme en Afrique du Sud. À l’entraînement, c’était ‘’prends ton vélo, roule aussi longtemps, aussi loin et aussi fort que tu peux, et quand tu tomberas, c’est que tu en auras sans doute assez fait’ », se souvient Gareth Edwards, interrogé par L’Equipe.
Si le « décor de bush kenyan, très sec, avec des pierres partout » va rapidement lui manquer, c’est sur le Vieux-Continent que Froome explosera vraiment. Après Sky, en 2019, il rejoindra Ineos, une autre équipe britannique. Après 2011, c’est à Monaco qu’il posera ses valises. Un véritable globe-trotter du cyclisme, qui poursuivra finalement sa carrière du côté d’Israël.
Froome, nouvelle figure du « sports washing » ?
Car cinq ans après sa création, l’équipe Israël Start-Up Nation va accueillir dans ses rangs Christopher Froome. L’équipe du milliardaire israélo-canadien Sylvan Adams et de son associé Ron Baron se lance à la conquête du Tour de France, qu’elle a couru pour la première fois l’an dernier. En reprenant la licence de l’équipe suisse Katusha, Israël Start-Up Nation a gagné le droit de participer à la plus célèbre course cycliste du monde.
Une opération de « sports washing » qui doit permettre au pays hébreu de renvoyer une image plus flatteuse. Et pour ce faire, elle peut désormais compter sur une tête d’affiche. Si, au Kenya, qui a tissé des relations diplomatiques en 1963 avec Israël, cette nouvelle collaboration ne fait pas beaucoup parler, dans les réseaux pro-palestiniens, on a du mal à comprendre ce que le champion est venu faire dans l’équipe israélienne.
Lors du Tour de France, Froome sera certainement interpellé par des militants pro-palestiniens sur les bords de route. Mais pour Sylvan Adams, ce ne sont pas « trois personnes avec un drapeau » qui vont le déranger, même si l’homme d’affaires assure que les spectateurs « ont le droit de promouvoir leurs idées ».
Du côté du mouvement BDS, qui appelle au boycott économique, sportif et culturel d’Israël, dans le but de dénoncer l’occupation de la Palestine, la participation de l’équipe cycliste israélienne au Tour de France est « une opération de propagande honteuse ». Le collectif Palestine vaincra, lui, demande une mobilisation contre les « autoproclamés ambassadeurs » de la colonisation, dont fait désormais partie Chris Froome. De quoi sérieusement écorner l’image du champion, bien loin de la tranquillité de son Kenya natal.