TikTok est l’application la plus téléchargée au monde en 2021. En Afrique, c’est la troisième application téléchargée par les jeunes de 18 à 25 ans. La créativité du public africain jeune a commencé à imposer ses codes sur la plateforme.
TikTok n’arrête pas d’attirer de plus en plus de jeunes africains. L’application mobile de partage de vidéos est devenue une vraie plateforme dédiée à la jeunesse. Le succès que TikTok a connu pendant le confinement dû à la pandémie de la Covid-19 n’a pas ralenti. Et l’application est classée troisième parmi les plus téléchargées par les jeunes en Afrique.
Il n’empêche que cette plateforme, utilisée pour partager des memes, des tutoriels de maquillage, des danses ou des blagues n’a pas connu un tel succès en Afrique à cause des restrictions sanitaires. Somme toute, le confinement dans les pays africains a été beaucoup plus souple qu’en Europe ou en Asie.
Un chercheur en intelligence artificielle, Marc Faddoul, avait démontré l’année dernière que l’algorithme de l’application se basait notamment sur l’apparence physique des comptes suivis, afin de le référer à d’autres comptes ou à l’actualité générale. Les suggestions seraient basées, notamment, sur la couleur de peau des personnes qu’on peut déduire des vidéos et de la photo de profil.
Contourner la censure
Ce facteur fait que l’on se retrouve systématiquement à suivre des personnes qui nous ressemblent physiquement. Cette ségrégation imposée par l’algorithme de TikTok a eu au fil du temps un effet inattendu. La popularité des danses africaines a exposé progressivement les comptes étrangers à suivre l’actualité africaine !
En l’occurrence, TikTok est utilisé en Afrique pour publier des vidéos d’actualité instantanément. La modération manuelle ne peut pas chapeauter des centaines de milliers de personnes simultanément. Puis, les utilisateurs contournent automatiquement la censure de l’algorithme avec des astuces devenues désormais des reflexes. Comme l’utilisation des hashtags artificieux ou des titres trompeurs.
Certes, TikTok est utilisé en partie de la même façon en Afrique qu’ailleurs. Le divertissement occupe une large portion des tendances de la plateforme. Toutefois, la spécificité des utilisateurs africains de TikTok, sur le continent ou vivant à l’étranger, est le militantisme. La jeunesse africaine a trouvé sur TikTok une tribune d’expression populaire et relativement peu prohibitive.
Il s’agit d’un militantisme jeune et créatif. Les nouveaux mouvements antiracistes, par exemple, ont trouvé plus d’écho sur TikTok que sur les autres réseaux sociaux. Par exemple, le mouvement #Blacklivesmatter (BLM) a cumulé plus de 11 milliards de vues sur les vidéos TikTok qui mentionnent cette tendance.
Combattre le racisme par la danse
Malgré les tentatives des détracteurs du mouvement BLM d’infiltrer la tendance, plus de 86% des vidéos sont authentiques. Le mouvement avait commencé en 2013, dénonçant la violence policière systématique contre les noirs Américains, mais il s’est répandu partout dans le monde après le meurtre de George Floyd en 2020. Depuis, le mouvement militant, composé essentiellement de jeunes, a fait de TikTok sa plateforme de choix pour dénoncer la violence policière et le racisme anti-noirs. On attribue d’ailleurs la récente condamnation de Derek Chauvin en grande partie à l’indignation des tiktokeurs du déroulement du procès.
Face à cette popularité, le réseau social Facebook n’avait pas d’autre choix que d’arrêter de censurer les publications BLM, et de les remplacer par un slogan plus lisse, mais toléré, « All lives matter ». La tendance n’a cependant pas pris d’élan sur Facebook, ou les autres plateformes acquises par ce dernier.
Le militantisme et la tendance tiers-mondiste sur TikTok ne s’arrêtent pas là. Les défis de danse ou les vines utilisant, des musiques africaines ou universellement militantes populaires, comme « Jerusalema », « This is America », « Free Nelson Mandela » ou « Sympathy for the devil », ont connu un énorme succès sur TikTok.
De même, afin de faire face à l’islamophobie en Europe, la diaspora a aussi lancé beaucoup de tendances en publiant des vidéos qui commencent par une danse ou un meme et finissent par un message antiraciste. Ce que l’algorithme de la société chinoise ByteDance, qui a développé TikTok, a essayé de réprimer depuis 2019, sans succès.
C’est un nouveau modèle de militantisme qui se crée progressivement sur TikTok. Il est porté par une jeunesse à la recherche d’une liberté qui se perd parmi les restrictions de Facebook. Le secret de la popularité de ce nouveau modèle est sa désorganisation, ainsi que sa créativité qui dépend de l’inventivité de l’utilisateur et de son engagement.