C’est fait. En 2023, la CAF lancera la Superligue, qui réunira les meilleures équipes du continent. Une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le football africain ?
Tout avait été fait pour qu’elle voie le jour en Europe. Mais c’est bien en Afrique que sera finalement expérimentée la Super Ligue. C’était une des promesses faites par Patrice Motsepe à Gianni Infantino lors de l’élection pour la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) : contre un soutien du patron de la FIFA, le Sud-Africain avait assuré à ce dernier qu’il ferait tout pour mettre en place la Super Ligue africaine. Pour le remercier, Infantino avait alors promis, de son côté, au club du Mamelodi Sundowns FC de Motsepe qu’il pourrait participer à la compétition d’élite.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que le Sud-Africain se refasse le messager d’Infantino. Après un peu plus de trois mois passés à la tête de la CAF, Motsepe avait finalement remis sur les rails sa proposition de Superligue africaine. Puis, en novembre dernier, les membres de la CAF, lors d’une Assemblée générale extraordinaire au Caire, avaient « reconnu l’avantage potentiel d’une superligue panafricaine et encouragé le Comité exécutif de la CAF à poursuivre son étude et ses investigations afin de finaliser son plan pour le lancement » de la compétition.
Des sommes folles en jeu
En réalité, l’étude sur la question n’a pas véritablement eu lieu, car le processus était déjà lancé. Il était alors question de mettre en place une ligue fermée comprenant 24 équipes, qui toucheraient chacune 1 million de dollars, rien que pour leur participation. Avec, à la clé pour l’équipe gagnante, une somme allant jusqu’à 10 millions de dollars.
Ce mercredi 10 août, en Tanzanie, le patron de la CAF a finalement annoncé le lancement de la Superligue. Celle-ci se déroulera en 2023, pour sa première édition. Les 24 équipes sélectionnées seront issues de seize pays africains.
« Il faut que le football africain de clubs puisse rivaliser avec les meilleurs », argumente Patrice Motsepe. Une drôle de façon de voir les choses : en Europe, le même projet de ligue d’élite avait été abandonné. En Afrique, Motsepe ne devrait pas rencontrer la même résistance qu’en Europe : les sommes promises par le patron de la CAF sont en effet alléchantes.
Mais la finalisation de la Superligue africaine pose une nouvelle fois la question de la mainmise de la FIFA sur la CAF. Car la compétition est bien sortie du cerveau de Gianni Infantino. En novembre 2019, le patron de la FIFA, en voyage en République démocratique du Congo, avait pour la première fois évoqué ce projet, avant que celui-ci soit confirmé en février 2020 au Maroc.
Un arrêt de mort pour les clubs plus modestes ?
L’étude de faisabilité lancée en 2021 n’a donc été qu’une formalité pour Motsepe, qui peut désormais lancer sa Superligue qui comprendra trois groupes de huit équipes, avant des playoffs pour les premiers de chaque groupe.
Reste désormais à savoir quelles seront les conséquences sur le football africain. Si l’objectif est de « rivaliser avec les meilleurs », plusieurs questions restent en suspens. La première concerne le calendrier : les équipes nationales auront-elles encore assez de temps pour préparer les Coupes d’Afrique des nations ? La CAN et le Championnat d’Afrique des nations de football (CHAN) auront-ils d’ailleurs encore un intérêt ?
Surtout, la Superligue ne va-t-elle pas financièrement cannibaliser le football africain ? Un budget de 97 millions d’euros devrait lui être attribué, grâce aux sponsors et des droits de diffusion conséquents. Mais la manne ira toujours — ou presque — aux mêmes clubs. Qu’en sera-t-il de la formation ? Des clubs plus modestes ? Et surtout de la Ligue des champions africaine, qui rapportera beaucoup moins que la Superligue.
L’ancienne star du Cameroun, Roger Milla, est sorti de son silence pour remettre en cause la décision de la CAF. « Il aurait sans doute été préférable d’améliorer les deux compétitions qui existent déjà (la Ligue des champions et la Coupe de la CAF, ndlr). Avec cette Superligue, j’ai peur qu’elles soient au contraire de moins en moins attractives », indique-t-il.
La seule solution pour le football africain serait d’obliger les clubs participant à la Superligue à verser des fonds aux fédérations nationales. Mais cela ne semble pas être l’esprit de la compétition imaginée par Infantino et Motsepe, qui sont en train de creuser un fossé entre les clubs modestes et les équipes les plus performantes du continent.