La guerre du Tigré exaspère les alliés internationaux du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed depuis des mois. Les Etats-Unis ont officialisé les premières sanctions contre l’Ethiopie et l’Erythrée ce dimanche.
A peine quelques mois après avoir été sacré Prix Nobel de la paix, le président Abiy Ahmed a initié une guerre civile. Et sa paix avec l’Erythrée s’est transformée en une offensive contre la région du Tigré, dans le Nord éthiopien. Entre le 4 novembre 2020 et le 1 avril 2021, plus de 60 000 personnes ont été tuées dans le Tigré. La plupart de ces morts sont des civils. Et ceux qui ont échappé à la mort ont connu le pillage, la torture, le viol et le déplacement forcé.
Une guerre calamiteuse au niveau humanitaire, donc. Les chefs d’Etats éthiopien et érythréen n’ont assumé leur responsabilité pour les massacres que depuis quelques semaines, et après un long déni. Selon la déclaration du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken : « les personnes impliquées n’ont pris aucune mesure pour mettre fin aux hostilités ».
Les Etats-Unis irrités par Abiy Ahmed
Les Etats-Unis ont donc imposé des restrictions à l’Ethiopie et à l’Erythrée. La première qui sera officialisée concernera des restrictions sur les visas. Antony Blinken a annoncé qu’il imposerait également des restrictions à l’aide économique et sécuritaire à l’Ethiopie. Il a aussi menacé d’arrêter les aides dans les domaines sanitaire, alimentaire et éducationnel.
Un point important dans le discours de Blinken serait la qualification de la crise tigréenne de « crise politique ». Il s’agit d’une expression qu’il a utilisée six fois dans son communiqué. Ce qui pourrait s’expliquer par un refus de qualifier le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) de groupe terroriste. En effet, le Premier ministre éthiopien avait procédé à cette mesure le 5 mai. Il avait aussi limogé le gouverneur de l’Etat tigréen. La corrélation des deux décisions porte à croire que l’Ethiopie cherche à légitimer le massacre du Tigré dans le but d’éviter les sanctions.
Or, les Etats-Unis mènent souvent les sanctions internationales dans le sens qui arrange sa diplomatie et ses intérêts géostratégiques. Personne ne doute des intentions américaines. Il est rare pour les Etats-Unis d’imposer des sanctions pour juguler la propension à la division et à la haine. Encore mois lorsqu’il s’agit de prévenir les massacres civils.
Abiy Ahmed, abandonné par tous ses alliés
Le mandat d’Abiy Ahmed à la primature éthiopienne a été caractérisé par deux facteurs. Le premier a été le rassemblement de la quasi-totalité des mouvements politiques dans sa coalition. Le second a été son amitié avec l’entité sioniste. Ce sont ces deux faits qui ont rapproché Ahmed et les institutions internationales.
Le plébiscite qui a amené Abiy Ahmed au pouvoir commence doucement à s’ébranler. L’opposition prend de plus en plus d’importance en Ethiopie. Les partis politiques qui soutenaient le Premier ministre exigent des élections qui ne cessent d’être reportées par le gouvernement. En ce qui concerne son rapprochement avec Israël, il semblerait que l’entité sioniste ne tient plus Ahmed en haute estime. En effet, durant le premier trimestre de 2021, seulement 1950 visas ont été octroyés aux travailleurs éthiopiens. Contre 28 000 durant la même période en 2020. De surcroît, des milliers de juifs éthiopiens kimants et falash ont été expulsés de la Palestine occupée depuis décembre.
Abiy Ahmed fait donc face à l’hostilité américaine. De plus, l’Europe soutient de plus en plus le Soudan et l’Egypte, avec qui l’Ethiopie est en mauvais termes sur fond de la crise du barrage de la Renaissance (GERD). Le Premier ministre éthiopien est donc en manque d’amis. Mis à part le président érythréen Isaias Afwerki, Abiy Ahmed n’a plus personne avec qui partager les sanctions. Il est snobé par la majorité des pays arabes, il vient de retirer plusieurs projets à ses bailleurs chinois, et même l’occident lui tourne le dos. Abiy Ahmed serait-il le nouveau Mengistu Hailé Mariam ?