Se faire soigner hors du continent est une tradition historique chez les présidents africains, qui prouvent ainsi à leurs détracteurs qu’ils n’ont pas assez développé les systèmes de santé nationaux.
Il est de retour au pays ! Le président Abdelmadjid Tebboune est rentré ce vendredi 12 février en Algérie. Pour la deuxième fois, le chef de l’Etat était parti en Allemagne se faire soigner après des « complications liés à la Covid-19 », ont indiqué les autorités du pays.
Des gouvernants africains qui s’exilent en Europe, notamment dans les ex-puissances coloniales, ou dans des pays aux systèmes de santé performants, le temps d’une cure de soins, l’histoire en compte des dizaines.
Récemment, Ali Bongo a goûté aux hôpitaux saoudiens après un accident vasculaire. Il y a trois ans, c’est Muhammadu Buhari qui avait décidé de se faire soigner à Londres, en Grande-Bretagne. Quant à Abdelaziz Bouteflika, il avait rejoint la Suisse avant de renoncer à son cinquième mandat. Le Camerounais Paul Biya est lui aussi un habitué de la Confédération helvétique. Sans oublier Amadou Gon Coulibaly. Le candidat à la présidentielle ivoirienne qui avait séjourné à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, pour être hospitalisé.
Un tourisme médical qui coûte cher au contribuable
Ces séjours répétés à l’étranger de chefs d’Etat prouvent bien la faiblesse des systèmes de santé dans leurs propres pays. Le président bissau-guinéen en est conscient et a toujours été transparent sur le sujet. Interrogé sur ses séjours à Paris, où il se fait habituellement soignée, Umaro Sissoco Embaló avait laconiquement déclaré : « Je ne vais pas mourir sous prétexte que j’ai prêté serment le 27 février, qu’il y a ensuite eu la pandémie et que je n’ai pas encore eu le temps de développer les infrastructures ! Que je sois président ou pas, j’ai le droit d’aller me soigner où je veux ». Pas si résigné que cela, Embaló promettait la « construction d’un hôpital de référence pour la Guinée-Bissau ».
Mais ces voyages irritent la société civile. D’abord pour des raisons économiques. Ce tourisme médical coûte en effet assez cher aux contribuables, qui doivent supporter les frais. Au Nigeria, un avocat, Femi Falana, a bien tenté d’obtenir des tribunaux de son pays l’interdiction aux dirigeants ayant une fonction publique de partir se faire soigner à l’étranger avec des deniers publics. Sans succès. Le voyage de Buhari à Londres avait été estimé à 445 000 dollars. Du côté de l’Ouganda, la promesse de faire interdire les voyages médicaux aux élus est en attente, l’hôpital de Lubowa n’étant pas encore au point. Mais le gouvernement de ce pays fait tout pour faire passer cette proposition.
En Afrique, des hôpitaux pourtant reconnus
Le tourisme médical est aussi symptomatique de l’affaiblissement des systèmes de santé nationaux. « Délaisser les institutions sanitaires de son pays pour se soigner à l’étranger est, au bas mot, une faute pour un chef d’Etat. C’est la preuve irréfutable qu’il n’a pas réussi à bâtir sur place un système de santé digne de sa confiance », écrit dans le Monde le chroniqueur Seidik Abba.
Une lueur d’espoir subsiste : dans certains pays, l’excellence est au rendez-vous. La Côte d’Ivoire est désormais réputée pour ses transplantations rénales, tandis que les hôpitaux sénégalais se sont spécialisés dans les pathologies cardiaques. Des hôpitaux sortent de plus en plus de terre, avec notamment l’aide de la Chine qui a permis la construction de près de 80 établissements de santé ces dix dernières années. Reste que l’acquisition de matériel médical doit devenir une priorité pour les présidents africains. Faute d’équipements, ils continueront à devoir se rendre loin du continent africain pour se faire soigner.