Lors d’une conférence de presse du président français, Emmanuel Macron, ce dernier a annoncé la « fin de Barkhane », expliquant les modalités à demi-mot. Il en a aussi profité pour relancer un discours hostile envers l’Afrique.
« On perd le fil de ce pour quoi nous sommes là », a admis le président français. Lors d’une conférence de presse hier soir, Emmanuel Macron a abordé la nouvelle étape de l’engagement militaire français au Sahel. La force Barkhane, présente depuis 6 ans dans le Sahel africain, serait « finie en tant qu’opération extérieure ». Ce n’est pas la seule annonce énigmatique du chef d’Etat français. Ni, d’ailleurs, le seul paradoxe dans son discours.
D’abord, cette décision intervient peu après un assaut diplomatique français contre l’Etat malien. Le second coup d’Etat d’Assimi Goïta, accueilli favorablement par les populations, semble avoir irrité Macron. Pour rappel, le président français avait soutenu la succession du putschiste Mahamat Déby, au Tchad, à son propre père. Face à cette partialité, ainsi qu’à un discours jugé paternaliste à la veille du dernier sommet de la CEDEAO à Accra, la diplomatie française en Afrique a perdu davantage de terrain.
Depuis l’investiture d’Assimi Goïta en tant que président du Mali, Macron semble hors de contrôle. L’Etat français enchaîne les hostilités contre les pays africains. Dans les instances financières, les discours politiques, les médias de l’Etat etc. Maintenant, ce sera le tour de la coopération militaire. Depuis des années, la présence de Barkhane est de plus en plus impopulaire. Et si Macron ne l’admet qu’implicitement, sa décision de « retirer Barkhane » est encore des plus ambigües.
Macron provocateur, certes. Menaçant ? Pas vraiment
« La France n’a pas vocation à rester éternellement au Sahel par sa force, c’est connu depuis le début », commençait le président français. Avant de rajouter : « Ce sont les Africains qui doivent assurer la sécurité des pays africains ». Certainement, personne ne pourrait contester ce constat d’Emmanuel Macron. Toutefois, il a ensuite procédé à accuser les Etats sahéliens d’absence, au moins.
« Dans plusieurs Etats de la région, il n’y a pas eu de réengagement pour faire revenir l’administration dans les zones qu’on (la France, donc) libère du terrorisme », a déclaré Macron. Si l’objet d’un discours aussi incendiaire est de se délester de l’échec de Barkhane, ce ne serait pas réellement le but de Macron.
Le président français assistera au sommet G7 à partir du 11 juin. Lors de ce dernier, il essayera surtout de marquer quelques bons titres de presse sur plusieurs sujets. Ensuite, les élections régionales sont prévues pour le 20 juin. Macron tentera aussi, sans doute, de briguer un second mandat à la présidence française. Or, outre ses échecs africains, qui surpasseraient ceux de Sarkozy, Macron connait aussi un échec à domicile. Plus tôt cette semaine, il avait même été giflé par un jeune Français. Ce dernier avait admis « avoir agi par instinct » et a écopé d’une peine de prison. Devant cette chute aigüe de popularité, Macron essaye sans doute de distribuer ses échecs. Dans le cas des relations diplomatique avec les pays africains, l’inefficacité relative de Barkhane incomberait donc, selon Macron, aux Etats africains.
Toutefois, la « fin de Barkhane » ne signifie pas la fin de la présence française en Afrique. La longue conférence de presse portait d’autres secrets. En l’occurrence, un renforcement de Takuba, la force auxiliaire composée de militaires européens.
Jeux de mots, de maux de la société : Après la Tarte à Tain et la foule sentimandale…
Je ne résiste pas à celle-ci (vue sur Youtube) : "Course, jeu de jambes et vlan ! Macron, le M'Baffé de la politique"— Blodwyn.KH -69 Française, née à Lugdunum (@Blodwyn_KH69_) June 9, 2021
Macron compte sur Takuba pour remplacer Barkhane
En effet, Macron a parlé d’une « restructuration de la présence militaire française ». Il a exigé que les pays africains contribuent plus de troupes pour la lutte antiterroriste. De surcroît, il s’est clairement projeté vers un futur où les troupes européennes seraient en retrait. Macron n’exclut pas, cependant, que les troupes européennes soient « en charge » des opérations dans le Sahel. Ainsi, il a déclaré : « La lutte contre les djihadistes se fera avec des forces spéciales structurées autour de Takuba avec évidemment une forte composante française. Ainsi que des forces africaines, européennes, internationales ».
Cependant, cela pourrait être facilement interprété en une stratégie où des Africains seraient en première ligne. En plus, les forces « européennes et internationales » seraient aux commandes de cette armée. Certes, une lutte armée antiterroriste en Afrique est nécessaire. Toutefois, Macron se contredit. Si la responsabilité de la sûreté est réellement souveraine, les Etats africains auraient leur mot à dire sur le sujet. Toutefois, ces décisions sont faites unilatéralement par Macron. Et dans le cadre des normes et des clauses internationales, tout ce dont le président français devrait décider, en Afrique, ne concerne que ses propres citoyens.
Il s’agirait sans doute d’une suite de lapsus révélateurs. Mais la « Françafrique » s’effrite à une vitesse soutenue depuis des mois. Hormis le Mali, la République Centrafricaine et le Burkina Faso se sont engagés dans cette mouvance. L’Algérie, quant à elle, a déjà proposé de remplacer Barkhane. D’autres pays, comme le Nigéria, le Niger, la Libye et le Maroc regardent ailleurs. La Russie et la Chine se substituent à la France à une vitesse hallucinante. Et dans les pays africains anglophones, les décisions de la France n’ont jamais réellement eu de poids. Les partenaires africains de Macron se limitent à la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Togo, le Tchad et le Rwanda. Comment Macron compte-t-il donc imposer sa volonté ? Surtout s’il perd l’élection d’avril 2022.
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— Nathalie Yamb (@Nath_Yamb) June 6, 2021