Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a fait preuve d’une hyperactivité sur tous les fronts depuis le début de mai. Que cache cette omniprésence du président congolais ?
Que ce soit sur le plan national ou international, le président de la République démocratique du Congo (RDC) multiplie les apparences et les déclarations. Après avoir lancé une opération militaire sur son territoire, Tshisekedi a fait cinq visites de travail en Afrique. De retour en RDC, le président a visité le Haut-Katanga. Il sera aussi présent au Sommet sur la relance des économies africaines, organisé par le président français Emmanuel Macron. Où Tshisekedi tiendra une conférence de presse conjointe avec Macron à la fin des travaux du Sommet.
Depuis qu’il est président de l’Union africaine (UA), le président congolais a connu beaucoup d’échecs. Ses tentatives de médiation dans le dossier libyen, la guerre du Tigré, la crise tchadienne et le conflit du barrage de la renaissance (GERD) ont toutes avorté. Ce manque d’efficacité pourrait relever d’une longue tradition de l’UA. Toutefois, les ex-présidents de l’institution avaient trouvé un moyen de canaliser le peu d’influence qu’ils avaient au sein de la communauté africaine. Félix Tshisekedi, lui, cherche encore son propre mode opératoire. Pour l’instant, il multiplie les voyages diplomatiques, mais pas que.
Ah ces formateurs militaires !
Les efforts internationaux infructueux du président congolais seraient imputables au manque de collaboration de ses interlocuteurs, si on en croit les médias. Néanmoins, au niveau national, il a pris trois initiatives d’envergure.
La première était de déclarer l’état de siège à l’Ituri et le Nord-Kivu. Le déploiement militaire a eu lieu le 6 mai. Depuis, la présence militaire de l’armée congolaise a été critiquée. Outre l’abolition de la juridiction civile au profit des cours militaires, plusieurs commandants de l’état-major de l’opération font polémique. Certains de ces militaires sont sous le joug de sanctions internationales. D’autres sont activement recherchés pour des crimes de guerre. L’état de siège décrété donne des droits élargis aux autorités représentées par ces individus.
Donc, en réponse à la pression internationale, Tshisekedi a décidé, le 13 mai, de permettre l’intervention de formateurs militaires européens. Ce serait donc la seconde fois que l’Union européenne (UE) procède à cette démarche pendant le mois de mai. Seul point commun : l’ennemi. En effet, comme dans le cas du Mozambique, l’armée congolaise fait face à la milice des Forces Démocratiques Alliées (ADF). Des doutes subsistent tout de même quant à l’implication des ADF dans des actes qualifiés de crimes terroristes.
En effet, les ADF sont présents dans les régions africaines riches en ressources naturelles. Leurs attentats visent les opérations minières, les exploitations gazières ou les oléoducs des majors européennes. Donc, jusqu’à preuve du contraire, il s’agirait de milices insurrectionnelles qui volent des ressources aux compagnies occidentales. Ces dernières les pillent à leur tour aux populations locales des pays où ils investissent. Cependant, sur ce plan, Tshisekedi a fait une déclaration importante, bien qu’elle ne soit pas désintéressée.
Stop à la corruption et au pillage
En effet, depuis des décennies, le centre de la guerre dans l’Est congolais était les ressources minières. Donc, le président de la RDC a annoncé sa volonté de renégocier les contrats miniers avec les exploitants du cuivre et autres minerais stratégiques.
Selon le chef d’Etat, la RDC ne profite que peu des prix records qu’ont atteint ces ressources. Puis, même par rapport au contexte continental, la RDC n’a que de très faibles retours de ses propres richesses. Tshisekedi a déclaré : « ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que nos populations demeurent pauvres », a-t-il dit.
En marge de cette déclaration, le président congolais a spécifié qu’une part du blâme incombe à la classe dirigeante. Il a affirmé : « c’est en partie la faute des Congolais. Le peu qui revient à l’Etat est souvent mis dans les poches de nos compatriotes », a-t-il accusé.
Il est donc clair que le président Tshisekedi compte tacler les inégalités des contrats miniers. Il est tout aussi évident que la corruption ferait partie des priorités à traiter par son gouvernement. De plus, la RDC peut se permettre ce bras de fer, les réserves de l’Etat sont bien fournies en plusieurs ressources. Et l’arrêt des exploitations minières ne toucherait qu’une petite partie de la classe ouvrière nationale. La plupart des ouvriers des compagnies minières sont étrangers.
Donc, au niveau national, c’est un bilan mitigé que présente Tshisekedi après ses récentes actions. D’un côté, il ouvre la porte à l’intervention militaire étrangère, que le pays n’a pas connu depuis 2003. D’un autre côté, il impose sa volonté de lutter contre les vestiges de Joseph Kabila et de ses amis israéliens. Le chef d’Etat congolais serait-il réellement exaspéré par la corruption au sein des institutions économiques gouvernementales ?