Un travail de recherche en République démocratique du Congo met en lumière le rôle essentiel des pratiques de gestion dans la qualité des soins dispensés aux populations les plus défavorisées.
Les statistiques sont claires : dans seulement sept ans, la plupart des pays africains seront confrontés à une lutte gargantuesque pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. En conséquence, plus de 500 millions d’Africains pourraient vivre dans l’extrême pauvreté d’ici 2030 – dont au moins 70 % pourraient encore l’être en 2050.
Pourtant, chaque année, des milliards et des milliards de dollars sont investis dans les pays en développement à faible revenu. Cependant, l’amélioration et l’avancée en termes d’impact restent assez limitées. Comment expliquer un impact aussi incomplet ?
Dans un récent travail de recherche, nous avons étudié les pratiques mises en œuvre dans 1000 centres de santé en République démocratique du Congo (RDC) et comment ces pratiques peuvent leur permettre de bénéficier effectivement des fonds qu’ils reçoivent. L’un des principaux enseignements est que le financement est complémentaire à la bonne gouvernance.
Un recul de la mortalité infantile
Nous avons observé que, si seulement des fonds sont versés dans les centres de santé, ils améliorent le volume de l’activité, ils sont capables de traiter plus de patients et de fournir beaucoup plus de médicaments. Mais la qualité de leurs services ne s’améliore pas. Or, lorsque ces fonds se combinent avec de bonnes pratiques de gestion (audit, retours d’expérience et engagement à changer réellement le comportement du bénéficiaire du fonds), nous constatons une amélioration à la fois en qualité et en quantité.
Nous mesurons notamment cette qualité de service en étudiant le taux de mortalité infantile. Dans notre étude, nous constatons que nous sommes capables de réduire le nombre de décès de près de 50 % sur une période de quatre ans ! Gardez à l’esprit que la RDC est l’un des pires pays où naître, avec un taux de mortalité infantile de 70 pour 1 000 naissances. Comparez cela aux États-Unis ou à la France qui ont 0,4 décès pour 1 000 naissances…
Une dimension importante pour une bonne prise en charge est la nécessité que le personnel et les femmes enceintes suivent le processus formalisé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour arriver à terme de la grossesse en bonne santé. La mortalité infantile est souvent le résultat d’un comportement inapproprié et non conforme au protocole de l’OMS dans son intégralité.
De bonnes pratiques managériales peuvent réduire cela. En effet, il n’y a pas besoin de formation médicale supplémentaire ni de changement d’employés : avec une bonne compétence managériale, les équipes donnent le meilleur d’elles-mêmes et fournissent des services de haute qualité.
Le rôle positif des femmes
Nos recherches montrent également une corrélation très positive entre la représentation plus élevée des femmes dans la gestion et la qualité des services dispensés. La littérature suggère généralement que les femmes ont tendance à être plus collaboratives et à générer beaucoup plus d’interaction entre les différents groupes.
Or, en RDC, société hautement patriarcale, les femmes dirigeantes ont tendance à réduire l’interaction avec le groupe, elles convoquent moins de réunions et décident seules de sujets comme les finances. En d’autres termes, elles s’appuient davantage sur une gestion descendante que sur une gestion collaborative dans ce domaine spécifique.
Elles ont également tendance à éviter les conflits internes car elles sont conscientes que les communautés environnantes prendront le parti de l’homme plutôt que celui de la femme.
Si nos conclusions concernent les centres de santé en RDC, elles peuvent aussi avoir une résonance plus large. En effet, étudier la RDC est une façon d’étudier l’Afrique en général. L’idée est de trouver des solutions à ses problèmes, car ce qui marche là-bas doit pouvoir marcher ailleurs sur le continent.
Anicet Fangwa, Ph.D. Student, Strategy and Business Policy, HEC Paris Business School; Bertrand Quélin, Professeur de stratégie et membre du Centre SnO (Société et Organisations), HEC Paris Business School; Caroline Flammer, Professor of International and Public Affairs, Columbia University, and Marieke Huysentruyt, Professeur Associé, Stratégie et Politique d’Entreprise, HEC Paris Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.