Alors que les relations entre le Maroc et l’Europe s’enveniment, celles-ci ont des conséquences sur les rapports entre Rabat et Paris. La visite d’Emmanuel Macron dans le royaume semble compromise.
C’est un voyage qui ressemble de plus en plus à l’Arlésienne. Annoncé initialement à la fin du mois d’octobre dernier, par le président français lui-même, au détour d’une rencontre avec de jeunes Franco-Marocains, le voyage d’Emmanuel Macron au Maroc avait finalement été reporté. Le chef de l’État avait fini par s’entretenir au téléphone avec le roi du Maroc, Mohammed VI. Les deux hommes avaient alors prévu de se revoir en début d’année. Mais après avoir fixé son séjour marocain au mois de janvier, Emmanuel Macron aurait retardé l’échéance d’un mois. Mais même le mois de février risque d’être trop juste pour un voyage officiel qui pourrait bien ne jamais voir le jour.
On sait aujourd’hui que le dossier sahraoui bloque l’organisation du voyage. Rabat n’imagine pas accueillir le président français si ce dernier ne se positionne pas en faveur du plan marocain concernant le Sahara occidental. Or, Paris est actuellement en train de tisser de nouvelles relations avec Alger et l’on imagine mal Emmanuel Macron risque de gâcher tout cela en désavouant Abdelmadjid Tebboune. Autant dire que les rencontres préalables à la visite du président Macron entre officiels marocains et français constituent un véritable enjeu.
Une résolution européenne qui fâche
Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, s’était rendue au Maroc pour préparer le cadre politique du déplacement. Paris a également décidé, plus récemment, d’envoyer Olivier Lecointe, sous-directeur Afrique et Moyen-Orient à la Direction générale de l’armement (DGA), qui dépend du ministère de la Défense, à Rabat. Il devait se rendre au Maroc les 23 et 24 janvier. Et une semaine plus tard devait avoir lieu une réunion du Comité consultatif mixte de la coopération judiciaire. Deux événements qui ont été annulés par le Maroc pour, officiellement, des « motifs d’agenda et d’organisation logistique ».
Le journal marocain Le Desk sous-entend que la décision marocaine aurait en réalité été prise en réaction à l’accueil, par Paris, de Saïd Chengriha, chef d’État-Major de l’Armée algérienne, le 23 janvier dernier. Mais c’est surtout une résolution au Parlement européen, qui condamne la dégradation des droits de l’Homme au Maroc, qui a irrité Rabat. Cette résolution a notamment été portée par l’alliance des députés libéraux-démocrates du Parlement européen, Renew Europe, qui déplaît au Maroc. Car à la tête de cette coalition, on retrouve Stéphane Séjourné, très proche d’Emmanuel Macron, qui l’avait recruté à Bercy en 2014.
Après le QatarGate, qui avait dévoilé des informations concernant de supposées opérations de corruption de députés européens par le Qatar mais aussi par le Maroc, entre Bruxelles et Rabat, la tension est palpable. Au Maroc, la chambre des députés et la chambre des conseillers ont annoncé avoir enregistré « avec beaucoup de surprise et de ressentiment cette recommandation qui a mis à mort la confiance entre les institutions législatives marocaines et européennes et touché au cœur les acquis positifs qui ont pris plusieurs décennies à se construire ».