Depuis dimanche dernier, le président Paul Biya est en vacances en Suisse. Pendant ce temps, la contestation contre le régime se poursuit et, en interne, la famille se déchire quant au choix du dauphin.
Il est un habitué des « brefs séjours » en Europe. Le président camerounais n’a jamais caché son amour pour Genève. Il se rend régulièrement en Confédération suisse, accompagné de son épouse Chantal et de ses enfants. En tout, il aurait passé quatre ans et demi sur le sol suisse, dont 650 jours sur les rives du lac Léman. Paul Biya a, cette fois, fait une infidélité à Genève et rejoint Cointrin, en Suisse, pour l’une de ses nombreuses vacances extravagantes. Cette infidélité à l’Hôtel Intercontinental de Genève n’empêche pas le chef de l’Etat et sa famille de passer un séjour dans le luxe.
Ce voyage n’a pas manqué de creuser un peu plus le fossé qui sépare le chef d’Etat et le peuple camerounais, qui sait que Paul Biya profite généralement de ses escales suisses pour se soigner et pour dépenser l’argent du contribuable. A Yaoundé, des manifestations ont d’ailleurs débuté, prenant de court les forces de l’ordre. La police de la capitale n’est, en effet, pas habituée aux contestations si près de l’épicentre du pouvoir de Biya, surtout lorsque le chef de l’Etat est loin. Le chef du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, a été menacé par des milices de soutien à Paul Biya.
L’opposant a été prié, non sans être menacé, de rentrer chez lui, accusé de vouloir « perturber le séjour de Paul Biya en Europe ». Toutefois, le MRC a nié ces « allégations » et dénoncé les menaces de mort à l’encontre de Maurice Kamto. La situation est aussi mouvementée en Suisse, où des centaines de Camerounais ont manifesté à Genève. A Cointrin, des activistes se revendiquant ambazoniens, manifestent devant l’hôtel où résident Paul Biya et sa femme Chantal depuis trois jours. Plusieurs d’entre eux accusent le président de génocide contre les Camerounais anglophones. Les uns demandent son arrestation en Suisse, quand d’autres dénoncent la complaisance de la Confédération envers le pouvoir camerounais.
Contestation et tensions familiales
Les manifestations contre Paul Biya sont récurrentes, surtout en Europe, où des dizaines d’édifices représentant l’Etat camerounais ont été saccagés, notamment, en France et en Belgique, où les ambassades du Cameroun ont été prises d’assaut. Ce qui a provoqué une crise diplomatique entre Paul Biya et la Belgique. Le royaume belge a vu son ambassadeur à Yaoundé réprimandé par le pouvoir en place. A Paris, plusieurs Camerounais de la Brigade anti-sardinards (BAS), un mouvement de la diaspora qui boycotte notamment les artistes soutenant Paul Biya, ont été arrêtés et jugés, ils ont écopé de peines de prison avec sursis.
Et en plus des contestataires, les Biya doivent gérer les tensions en interne et les luttes de pouvoir. Dans les couloirs du Palais d’Etoudi, les tensions sont toujours palpables. Officiellement, l’empire de Biya est géré par son fils Franck. La famille n’hésite pas à publier des vidéos qui témoignent de la solidarité du clan. Mais selon Zona Coker, une amie du régime, « les ennemis démoniaques » de Paul Biya auraient « possédé » sa fille, Brenda Biya. La jeune Brenda est une source abondante de controverses. Elle aussi éternellement en vacances, elle multiplie les fêtes privées. Mais le chef de l’Etat camerounais, plus occupé par ses cures suisses que par la gestion de son clan, laisse faire.
La succession de Paul Biya divise le clan
Il faut dire qu’un autre sujet passionne les proches de Biya : sa succession. Chantal et Franck sont focalisés sur l’héritage politique du leader camerounais. D’un côté, Franck Biya gère les finances familiales et a posé sa patte sur le cabinet présidentiel. Il est en outre un ami proche du chef de cabinet Samuel Ayolo. Et c’est lui qui, aujourd’hui, tient les cordons de la bourse du palais. De son côté, la Première dame Chantal est plus discrète mais nettement plus politisée. Elle aurait, si l’on en croit ls rumeurs, fait taire plusieurs journalistes, activistes ou opposants.
Pendant que Paul se repose, notamment en Suisse, Chantal et Brenda Biya s’écharpent avec Franck. Les deux femmes se seraient en effet opposées à une éventuelle candidature du fils Biya pour succéder à son père. La Première dame serait intervenue auprès des médias nationaux afin de faire supprimer une vidéo dans laquelle on voyait Franck Biya souhaiter de bonnes fêtes aux Camerounais, à l’occasion de la Journée du travail. Quant à Brenda, elle aurait contacté le ministre de la Communication, ainsi que le directeur d’une chaîne de télévision, afin de demander « des explications » pour ce qui est ressemble à une entorse aux règles de bienséance. Mais la santé de Paul Biya continue d’inquiéter, et dans son entourage, tout le monde avance ses pions, se préparant à une vacance du pouvoir qui pourrait arriver à n’importe quel moment.