Dans « OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire », sorti le 4 août au cinéma, Jean Dujardin joue le rôle d’un espion de la Françafrique. Avant lui, plusieurs comédies ont traité de la période post-coloniale.
Le célèbre espion français Hubert Bonisseur de la Bath « est allé sauver un régime de la Françafrique dans les années 1980 et aider le président à prendre le dessus sur les rebelles. C’est un mauvais combat. Et il va le perdre ». Voilà le résumé de Nicolas Bedos, réalisateur du troisième volet de la saga « OSS 117 », sorti le 4 août dernier en France. Baptisé « Alerte rouge en Afrique noire », le film se déroule sur le continent. Une satire qui n’hésite pas à mêler volontairement racisme et clichés colonialistes pour mieux les dénoncer.
Après l’Amérique du Sud et l’Egypte, « OSS 117 », une saga inspirée des romans de Jean Bruce, change donc de cadre. Il nous emmène en 1981, alors que Valéry Giscard d’Estaing est président de la République française. Les indépendances ont marqué l’histoire du continent, mais la Françafrique perdure toujours : si le colonialisme a officiellement disparu, il a en réalité pris une autre forme et l’agent secret OSS 117 est envoyé dans un pays d’Afrique de l’Ouest pour s’assurer que le dictateur Sangawe Bamba, un ami de la France, soit largement réélu.
Cette Françafrique des années 1980 a souvent été évoquée au cinéma et « OSS 117 » n’est pas le premier film à se moquer des mauvais choix français en Afrique. En 2014, « Le Crocodile du Botswanga », de Lionel Steketee et Fabrice Éboué, met en scène Thomas Ngijol, qui enfile le costume d’un tyran dont les méthodes ressemblent à s’y méprendre à celles d’Amin Dada, ex-dictateur de l’Ouganda.
Le clin d’œil d’« OSS 117 » aux diamants de Bokassa
Deux ans après « Le Crocodile du Botswanga », le thème de la Françafrique avait également été abordé par le célèbre humoriste nigérien Mamane. « Bienvenue au Gondwana » raconte l’histoire de Julien Franchon, un attaché ministériel français qui part en mission dans un pays d’Afrique pour observer la bonne tenue des élections. Mais la France souhaite surtout maintenir au pouvoir le président du Gondwana .
Ces films ont un étonnant point commun : s’ils dénoncent la Françafrique en ajoutant des références historiques, aucun d’entre eux ne se déroule dans un pays africain existant, les réalisateurs préférant inventer des pays fictifs. Mais tout est fait pour rappeler les relations « françafricaines » : comme lorsque le dictateur d’« OSS 117 » donne, à la manière de Bokassa, à Hubert Bonisseur de la Bath des diamants à remettre au Président Valéry Giscard d’Estaing.
Dans « Le Crocodile du Botswanga », l’acteur Etienne Chicot joue le rôle d’un certain Jacques Taucard, en référence au « Monsieur Afrique » de la France à l’époque, Jacques Foccart. Les réalisateurs égratignent par la même occasion le rôle des compagnies pétrolières françaises dans la colonisation et la période post-coloniale, puisque Taucard dirige l’entreprise Totelf, en référence à Total et à Elf.
« Le népotisme des dirigeants n’est pas réservé uniquement à l’Afrique »
Derrière la satire, il est cependant étonnant de voir que les films qui moquent la Françafrique sont financés… par la France. « Je dis toujours un peu comme une boutade qu’il (son film, ndlr) constitue le côté lumineux de la Françafrique », ironise Mamane à propos de la coproduction française. Pour l’humoriste nigérien, ces films sont également l’occasion de dénoncer les despotes africains. Même si, précise-t-il, « le manque de vision, la corruption, le népotisme des dirigeants n’est pas réservé uniquement à l’Afrique ».
Ces comédies sur la Françafrique résonnent en tout cas comme des tribunes. Pour « Le Crocodile du Botswanga », c’était semble-t-il le cas : « François Hollande avait dit qu’il serait en rupture avec la Françafrique… Et pourtant il y a le Mali, la Centrafrique », déplorait Fabrice Eboué à la sortie du film. Quelques années après ce film, Thomas Ngijol avait imaginé « Black Snake », un film de superhéros qui se déroule dans les années 1970. Là aussi, le message était politique. « Pendant les années Françafrique, je trouvais ça cool qu’un superhéros se promène un peu entre la France et l’Afrique, avec tout ce qu’il s’est passé d’un peu… obscur et sombre », racontait l’acteur.