A la suite des affrontements armés du 25 avril à Mogadiscio, causés par une mutinerie au sein de l’armée somalienne, le président Farmaajo a pris du recul. Le calendrier des élections sera porté par un ancien responsable de l’ONU, le Premier ministre Roble.
La Somalie a du mal à s’en sortir de sa crise politique et sécuritaire. Toutefois, le Premier ministre Mohamed Hussein Roble occupe le devant de la scène depuis quelques jours. Avant que le président Abdullahi Mohamed ne s’adresse au Parlement, c’était Roble qui avait annoncé au pays de « se préparer aux élections ».
Bien qu’aucun apaisement n’eût été possible sans l’accord du président, ce dernier est presque invisible. Les dernières manifestations ont fait trop de morts, dont 11 civils. Vraisemblablement, ce serait dans l’espoir de détourner l’attention de cette tragédie, que Farmaajo aurait cédé. Or, le président somalien n’est même plus mentionné dans les médias. C’est le Premier ministre Roble qui a pris sa place de facto.
Les intérêts américains en Somalie, toujours prioritaires
Ce 1e mai, le Parlement somalien a annulé la prolongation du mandat du président, accordée à Mohamed Abdullahi Farmaajo. Néanmoins, le parti Tayo du président ne s’est pas opposé à cette décision. Et jusque-là, il était rare de voir le parti au pouvoir s’accorder avec l’opposition, surtout pour des raisons humanitaires. A vrai dire, le Parlement somalien n’a jamais obtenu un consensus de cette ampleur depuis… toujours.
Certes, le Premier ministre Mohamed Hussein Roble est, dans l’immédiat, plus légitime au niveau constitutionnel. Cela fait trois mois que le mandat du président est achevé. Cependant, les troupes du gouvernement loyales à Farmaajo auraient pu tenir la capitale ad vitam aeternam. Puis, le président somalien n’a jamais réellement été préoccupé par les réclamations de la classe politique. Le fait est que la mutinerie au sein de l’armée, motivée par les allégeances claniques, aurait pu être présentée telle quelle au niveau médiatique.
Or, le président somalien est un allié des Etats-Unis. Farmaajo détient la nationalité américaine. Ce simple état des choses lui avait assuré le soutien américain depuis son investiture en 2017. On note aussi que lorsqu’il avait démissionné de son poste de Premier ministre en juin 2011, il avait repris un poste politique qu’il occupait à Buffalo, aux Etats-Unis. Donc, la seule réelle explication de la concession pacifique du président, outre les apparences, serait la pression américaine. Les Etats-Unis ne s’en cachent d’ailleurs pas, la diplomatie américaine en Somalie est très agressive et transparente.
Le calife à la place du calife
Ce qui serait moins clair, cependant, est la raison des éloges dont fait l’objet le Premier ministre Roble dans les médias occidentaux. Alors que c’est le président qui a cédé aux circonstances graves que vit le pays, les titres de presse parlent surtout de Roble et des élections. Puis, Roble s’est prononcé sur l’essor de la crise politique le jour-même que les affrontements armés ont commencé à Mogadiscio. Lorsqu’il avait déclaré « préparez-vous aux élections », le président jouissait encore de sa prolongation de mandat, et aucun mort n’avait encore été causé par les heurts dans la capitale somalienne.
Qui est exactement le Premier ministre somalien ? Outre son influence sur le Parlement, qui n’a atteint le quorum que les trois fois où il y était en visite, Roble est un mystère. Il a été nommé à la tête du gouvernement somalien après la destitution d’Ali Hassan Khaire, qui à son tour voulait évincer Farmaajo en juin 2020. Lorsque Roble avait unilatéralement choisi les membres du gouvernement en octobre, aucun député de l’opposition n’avait commenté.
Roble a, de son propre chef, et malgré les commentaires négatifs du président, choisi d’accepter les renforts de l’UNSOM en mars. Et enfin, dès qu’il s’est prononcé sur la crise actuelle, les combats ont cessé. Pourtant, Roble n’est certainement pas plus prépondérant aux intérêts nationaux ou américains que Farmaajo. Tous les accords multilatéraux que Roble avait proposé ou défendu étaient d’origine européenne.
C’est justement au sein des Nations Unies que Roble a fait ses armes. Il a en plus de bonnes relations avec les Etats fédéraux indépendants en Somalie. Avant cela, il a étudié et longtemps vécu en Suède et en Allemagne. Mais au-delà de ces données, la nature de sa relation avec le président est un non-dit, et sa réputation en Somalie est très terne. On se demanderait si Roble serait plus représentatif de l’Europe en Somalie que Farmaajo ? Et surtout, pourquoi la presse occidentale est-elle si réceptive de sa nouvelle autorité sur le pays ?