Dix ans après avoir décidé de vendre sa filiale mauritanienne, Tunisie Télécom a finalement accepté une offre de Telecel Group. Explications.
L’entreprise mauritano-tunisiennes de télécommunications Mattel aura, pendant plus de dix ans, été au cœur d’une intense lutte entre opérateurs. Mattel a en effet aiguisé de nombreux appétits depuis 2011. Et particulièrement celui d’Orange. Mais le Français, en 2012 puis en 2022, aura échoué par deux fois à racheter la société basée en Mauritanie. Propriété de Tunisie Télécom — qui en détient 51 % —, Mattel avait en effet, il y a dix ans, fait l’objet d’une proposition de rachat par Orange, qui proposait alors un chèque de 100 millions d’euros. La vente avait finalement été annulée, après des tractations entre le gouvernement tunisien et Orange.
L’accord donné par Kaïs Saïed
C’est en 2011 que Tunisie Télécom a décidé de vendre Mattel. A l’époque, l’opérateur tunisien avait été pressé par son partenaire stratégique émirati, Emirates International Telecommunications (EIT), qui détenait 35 % des parts du groupe tunisien, à se réorganiser pour mieux parer à la concurrence sur le marché local tunisien. Il était alors question de se concentrer, pour Tunisie Télécom, sur l’octroi de la licence globale à Tunisiana, devenue par la suite Ooredoo Tunisie. Si Tunisie Télécom avait donc annoncé vouloir se séparer de Mattel, cela nécessitait le feu vert du gouvernement.
Après l’échec des discussions avec Orange France, mais également avec d’autres potentiels acquéreurs, Tunisie Télécom a finalement renoncé, en 2014, à la vente de Mattel. Pour conserver une certaine compétitivité, le groupe détenu à 65 % par l’Etat tunisien a du réinvestir dans sa filiale mauritanienne. Quelques années plus tard, et alors que Mattel est redevenue compétitive, le président tunisien Kaïs Saïed a fini par donner son aval à une vente de la totalité des parts de Tunisie Télécom. De quoi aiguiser l’appétit d’Axian, qui avait elle aussi proposé un chèque de 100 millions d’euros pour s’octroyer les parts de Tunisie Télécom mais qui prévoyait également de reprendre 24,5 % de la société appartenant aux hommes d’affaires mauritaniens Mohamed Ould Bouamatou et Béchir Moulaye El Hassen.
Les vaines tentatives d’Orange
Outre le groupe malgache, plusieurs opérateurs ont également avancé leurs pions : l’opérateur marocain Inwi, détenu par le holding royal Al Mada et conseillé par Lazard, mais également Orange qui, via sa filiale sénégalaise Sonatel, a été à nouveau exclu du dossier pour avoir transmis une offre trop basse. Malgré la proposition satisfaisante d’Axian, le rachat de Mattel n’a pas été validé par Carthage. Alors que la présidence tunisienne se donnait, comme limite, le mois de juin 2022, elle a finalement accepté l’offre d’un outsider : Telecel Group. Le 4 avril dernier, un accord a été signé entre Tunisie Télécom, Télécom BSA et Comatel — les sociétés de Mohamed Ould Bouamatou et Béchir Moulaye El Hassen — pour entériner la cession de Mattel à Telecel.
Le groupe basé à Maurice et au Royaume-Uni, poursuit ainsi sa stratégie africaine. Présent sur le continent depuis 1986, l’opérateur de téléphonie mobile a réalisé quatre transactions en Afrique depuis 2018 et prévoit, selon un communiqué de la société, d’investir plus de 700 millions de dollars au cours des trois prochaines années, « principalement dans des acquisitions d’opérateurs mobiles, la construction d’infrastructures pour la fibre optique et dans les infrastructures ». Mattel détient plus de 30 % de parts de marché en Mauritanie, juste derrière Mauritel, filiale de Maroc Télécom. En 2021, la société mauritanienne a dépassé ses objectifs, attirant ainsi plusieurs investisseurs.