Le monarque du Maroc, Mohammed VI, a conclu un accord avec la société chinoise Sinopharm pour la fabrication de son vaccin contre la Covid-19. Serait-ce une stratégie pour contrecarrer les astreintes du passeport vaccinal européen ?
Ce lundi 5 juillet, au palais de Fès, le roi du Maroc Mohammed VI a présidé la cérémonie de signature d’une nouvelle convention avec Sinopharm. En effet, l’entreprise pharmaceutique permettra la fabrication et la distribution de son vaccin du même nom par le Maroc.
Selon un communiqué du palais, le souverain marocain viserait « l’autosuffisance vaccinale du Maroc ». Ainsi que de faire du pays une « plateforme biotechnologique africaine et mondiale ». Toutefois, ces qualifications sont prématurées. Car, contrairement au Nigéria, à l’Afrique du Sud, à l’Algérie et à l’Egypte, le Maroc est encore à la première étape de la fabrication des vaccins anti-Covid. Par ailleurs, les autres pays africains construisent les infrastructures et importent les matériaux nécessaires à la fabrication des vaccins. Pendant que le Maroc, parallèlement à son émergence en tant que « plateforme africaine et mondiale » du secteur, a fait importer, le lendemain, un million de doses supplémentaires de Sinopharm.
📺 Fabrication et de mise en seringue du vaccin contre la #Covid_19 au #Maroc: SM Mohammed VI préside la cérémonie de signature de 3 accords relatif à ce projet structurant.#Sinopharm @Ministere_Sante pic.twitter.com/mNi8OZrZw1
— 2M.ma (@2MInteractive) July 5, 2021
Le Maroc cherche à s’extirper de l’apartheid vaccinal
Également, force serait de constater que cette cérémonie hautement médiatisée et plébiscitée intervient à peine quelques jours après la mise en vigueur du « passeport vaccinal » de l’Union européenne (UE). Et bien que tous les pays européens ne soient pas inclus dans l’installation de cette mesure, les principaux partenaires du Maroc le sont. De surcroît, le « passeport vaccinal » de l’UE ne reconnait pas certains vaccins bien déterminés. En l’occurrence, les doses AztraZeneca Covishield, fabriquées en Inde. Mais aussi le vaccin russe Spoutnik V, malgré qu’il détienne la plus grande efficacité actuellement. Sans oublier, évidemment, Coronavac de Sinovac.
Toutefois, le « pass sanitaire européen » valide actuellement Sinopharm. Quant aux trois vaccins susmentionnés, il s’agit particulièrement de ceux qui font objet d’accords entre les entreprises pharmaceutiques et les trois Etats africains qui font un progrès concret pour la fabrication des vaccins. C’est-à-dire l’Afrique du Sud (Covishield), l’Egypte (Spoutnik V et Coronavac) et l’Algérie (Spoutnik V).
L’opinion publique africaine déplore la mise en place du passeport vaccinal européen, car il élimine systématiquement la majorité des pays africains. Délimitant injustement la liberté de voyager de leurs ressortissants, alors qu’elle est déjà contrainte par les visas. Sans parler du degré d’approfondissement de l’apartheid vaccinal que le passeport vaccinal européen instaure. Car certains des vaccins boycottés font partie de l’initiative Covax, que l’UE présente comme une tentative de diminuer le déséquilibre dans la distribution des vaccins entre les pays.
S’accaparer le marché africain, et rallier les investisseurs
Cependant, pour le Maroc, le choix de Sinopharm se manifeste comme une décision stratégique. D’abord, Sinopharm pourrait bien rester valide pour les Européens pendant longtemps. Ce qui signifierait la fluidification du transport et du commerce entre l’Europe et le Maroc. Donc, être une plateforme africaine ne serait pas, à première vue, le but escompté. Il s’agit plutôt, pour la monarchie marocaine, de s’accaparer le marché européen. Surtout en vue du manque de choix européen en destinations africaines commerciales et touristiques.
Sinon, au-delà de « l’autosuffisance », annoncer la fabrication de Sinopharm au Maroc contribuera à attirer des investisseurs. Selon les confrères de Jeune Afrique, les PDG de deux groupes banquiers sont impliqués dans ce nouveau partenariat. En l’occurrence Mohamed Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, et Karim Mounir, PDG de la Banque populaire.
500 millions de dollars seront injectés dans le projet de fabrication des vaccins. Et ce, sous la tutelle de la société suédoise Recipharm. Puis, outre le soutien logistique du ministère des Finances, l’entreprise pharmaceutique marocaine Sothema sera aussi de la partie. Sothema avait, d’ailleurs, participé aux essais cliniques du vaccin chinois au Maroc. La fabrication du vaccin Sinopharm est donc une tentative louable, bien que particulièrement introvertie, du Maroc. Néanmoins, avec les rumeurs qui circulent à propos de l’inclusion de Sinopharm dans la liste des vaccins boycottés par l’UE, cette tentative sera-t-elle pertinente ?