Le 7 novembre, la Cedeao a imposé des sanctions individuelles à 149 personnalités maliennes de haut rang. Une décision qui n’arrange pas l’image de l’institution ouest-africaine.
Ce sont près de 150 personnes qui sont concernées, au Mali, par des sanctions prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le 7 novembre dernier, à Accra au Ghana, le Conseil de médiation et de sécurité de l’organisation africaine s’est réuni en session extraordinaire pour statuer sur d’éventuelles sanctions envers les responsables maliens.
Des sanctions qui ne font pas dans la demi-mesure : 149 personnalités de haut rang sont en effet visées par ces dernières. Parmi elles, le Premier ministre de la transition Choguel Kokalla Maïga, ainsi que la quasi-totalité de ses ministres. Au final, seul le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop s’en sort sans sanctions.
Si le colonel Assimi Goïta, président de la transition, a été épargné par les « sanctions individuelles » de la Cedeao, l’organisation régionale ouest-africaine s’en prend autant à l’exécutif malien qu’au législatif. En effet, les membres du Conseil national de la transition (CNT) sont également concernés. La Cedeao prévoit, en termes de sanctions individuelles, un gel des avoirs financiers et des interdictions de voyager. L’organisation ouest-africaine se réserve aussi le droit de modifier sa liste.
La Cedeao : la destruction plutôt que la construction
Qu’est-ce qui motive la Cedeao à sanctionner à ce point les membres de l’exécutif et du législatif ? Toutes les personnes citées sont accusées « d’empêcher le retour à l’ordre institutionnel », après le coup d’Etat contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. La Cedeao « constate l’absence de progrès dans la préparation des élections » et déplore « la remise en cause des fondements essentiels de la Cedeao ».
Selon la radio RFI, « une liste des proches des personnes sanctionnées serait en cours d’élaboration ». Autrement dit, un nouveau communiqué de la Cedeao devrait prochainement être publié avec une liste étendue des personnes visées par le gel de leurs avoirs notamment.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest avait pris des sanctions contre le Mali après le premier coup d’Etat en août 2020, mais avait fini par lever celles-ci à condition que le CNT respecte une feuille de route conduisant à des élections.
En septembre dernier, la Cedeao avait tenu une conférence et demandé aux autorités de la transition de « soumettre au plus tard à la fin du mois d’octobre 2021 le chronogramme devant conduire aux étapes essentielles pour les élections de février 2022 ». Le Mali avait immédiatement indiqué être dans l’« incapacité » de respecter les délais. Et la Cedeao, si elle sanctionne, semble inapte à accompagner le Mali dans cette transition.
La Cedeao frappe donc fort. Enfin, en apparence. Si les Occidentaux sont généralement habitués à ce genre de menaces, l’organisation ouest-africaine tente d’imiter la communauté internationale. Sauf que, selon plusieurs sources proches du CNT, les membres actuels du pouvoir n’ont, pour la plupart, pas d’avoirs importants hors des frontières maliennes.
Le peuple malien en veut à la Cedeao
Une mesure, donc, très symbolique. Et qui risque un peu plus de déplaire au peuple malien, qui ne comprend plus l’utilité de la Cedeao. Après les premières sanctions de l’organisation en 2020, les populations s’étaient senties prises en otage. D’autant que la Cedeao est devenue l’antichambre de nombreuses dictatures, l’organisation refusant de sanctionner les chefs de l’Etat violant leurs constitutions respectives pour effectuer des mandats illégaux.
Comme la France, la Cedeao est donc décriée par les Maliens. Ce ne sont pas ces sanctions qui vont arranger l’image de Paris au Mali. Face à ce constat, l’institution ouest-africaine marche sur des œufs : proposer de nouvelles sanctions économiques et financières — à travers un embargo par exemple — signerait la fin des discussions avec le Mali. Goïta reste aujourd’hui en position de force. Et le président malien tente, coûte que coûte, de bouleverser les alliances historiques : la France écartée, que fera le chef de la transition des sanctions imposées par la Cedeao ?